Comment ça fonctionne

Le pouvoir, ce n’est pas une institution, ce n’est pas
une structure, ce n’est pas une certaine puissance dont certains
seraient dotés : c’est le nom qu’on prête à une situation stratégique
complexe dans une société donnée.
Michel Foucault

 

Il est rare que j’aille voir un film sans connaître son réalisateur et sans avoir lu au préalable des articles de critique à son sujet. (Appelons ça frilosité si on veut.) Ce fut pourtant le cas avec L’Exercice de l’État, film dont j’ai eu connaissance par sa bande-annonce vue quelques semaines plus tôt. Je n’ai pas regretté un seul instant ma très relative audace.

 

L’Exercice de l’État est une étude acérée, subtile et profonde des mœurs, us et coutumes des cabinets ministériels, de leur fonctionnement quotidien parmi les ors de la République. Manœuvres, compromis, trahisons, ralliements, calculs, tactiques, et surtout : souci de l’image qu’on va donner… L’habileté suprême de Pierre Schoeller, c’est de montrer une histoire qui est la fois parfaitement crédible et pas politiquement située : cela pourrait tout aussi bien être un gouvernement de gauche que de droite qui est en scène – dans le contexte de la France du début du 21e siècle bien sûr. (Et Dieu sait pourtant que j’ai garde de confondre droite et gauche dans le même mépris du « tous pourris », etc.)

Cela pourrait être austère, fastidieux, démonstratif, c’est tout le contraire, c’est passionnant, grâce à un scénario solide et une distribution parfaite, menée par Olivier Gourmet dans le rôle du ministre Bertrand Saint-Jean et Michel Blanc dans celui de son directeur de cabinet, Gilles (fan absolu de Malraux). J’emprunte à l’article de Thomas Sotinel dans le Monde cette appréciation :

« D’un côté l’appétit sensuel, dionysiaque, de Saint-Jean, de l’autre, la jouissance intellectuelle de Gilles. L’un s’épanouit dans la lumière artificielle des médias, l’autre prospère dans l’ombre dorée des cabinets ministériels. Ils sont réunis par l’attraction qu’exerce sur eux l’objet de leur désir, l’État. C’est ainsi qu’il faut comprendre le titre du film : les personnages sont régis par une force aussi implacable, mais infiniment plus capricieuse que la gravité. Ce qui conduit aussi bien à la comédie qu’à la tragédie, que Schoeller met en scène dans un même mouvement, recourant à des moyens (cascade spectaculaire, discussion politique de haut vol) que l’on trouve rarement dans ce qu’il est convenu d’appeler le cinéma d’auteur français. »

Un scénario solide et aussi un spectaculaire accident de voiture...

Images Allociné