Un malentendu qui devient une découverte

 

 J’aime bien celles des lectures de la BNF qui ont lieu à la bibliothèque de l’Arsenal, dans le grand salon ; il est peut-être grand pour un salon, mais considérablement plus petit que les auditoriums du site de Tolbiac ; on a l’illusion de partager quelque chose avec les auteurs. Ainsi le lundi 23 septembre, par une journée splendide de lumière dorée d’automne, je m’acheminai vers l’Arsenal pour y entendre – croyais-je – une lecture de textes de Pascal Quignard animée par Alain Veinstein. Mais ce n’était pas le cas : j’avais sans doute parcouru trop rapidement l’annonce (de fait, elle n’était pas très explicite, je viens de vérifier : « Alain Veinstein avec Pascal Quignard »…) et il s’agissait en fait de textes d’Alain Veinstein lus par lui-même avec, de temps en temps, une page lue par Quignard. Ne connaissant Veinstein, jusqu’ici, que comme journaliste de radio, et je ne suis pas une auditrice fréquente de France Culture, j’avoue que j’ignorais totalement son œuvre de poète. Il a écrit aussi plusieurs romans et des essais sur son expérience d’homme de radio. (« Il n’était vraiment pas fait pour ce en quoi désormais il excelle, dit de lui à ce propos Jérôme Garcin. Sa nature était d’un sauvage, d’un introverti – mélange troublant de vanité et de haine de soi. »)

Façade de la Bibliothèque de l'Arsenal (photo ELC)

Façade de la Bibliothèque de l’Arsenal (photo ELC)

Alain Veinstein (photo Quinzaine Littéraire)

Alain Veinstein (photo Quinzaine Littéraire)

Ainsi cette soirée du 23 a été pour moi une découverte complète. Pas forcément des plus faciles ; l’auteur naviguait aisément entre ses divers recueils, et je peinais à la suivre dans ma petite barque. Je me trompais même sur les titres annoncés ; rétrospectivement, mes confusions me semblent comiques (ai d’abord entendu « L’Introduction de l’appel », par exemple, alors qu’il s’agissait de « L’Introduction de la pelle »… je n’ai compris que quand il a été question d’outils creusant la terre…). Mon esprit vacillant tentait de relier des bribes de poèmes pour construire je ne sais quelle structure qui m’aurait été une clef pour entrer dans ce royaume.

Veinstein et Quignard ont évoqué l’aventure des éditions Orange Export Ltd (1969-1986), avec Emmanuel Hocquard, puis la revue L’Éphémère qui fut « une histoire intense », plus avant encore, au début des années 60. Au passage, j’ai noté quelques fragments, traces fugitives qui me poussent vers les textes : « trop de mort retient d’écrire », « j’applique à la lettre le texte de la peur », « écrire : longer le réel comme on rase les murs ». De temps à autre, je lorgnais vers Quignard qui écoutait benoitement, la tête baissée, tout vêtu de noir, comme un moine. La rencontre fut brève : au bout d’une heure et une minute (aux dires de Veinstein), c’était plié. Reste maintenant à lire en silence, et peut-être la plume à la main.

Celui qui nous a fait lire Lowry

Maurice Nadeau est mort il y a quelques jours à l’âge de cent deux ans : tout un siècle de l’édition française qui disparaît, comme un pan entier de falaise s’écroule dans la mer. J’ai eu spontanément l’impression de la fin d’une époque… et je ne suis pas la seule : « On ne voit pas en ce début de siècle d’éditeurs d’une telle stature », note Pierre Assouline. « C’est aussi que l’époque a changé : la profession, cela va de soi, mais aussi les auteurs, l’esprit des livres, la manière de les faire connaître… (…) Il n’y a pas et il n’y aura pas d’autres Maurice Nadeau avant tout parce que son temps, structures et circonstances, est révolu. »

(image Quinzaine littéraire)

(image Quinzaine littéraire)

Je me suis demandé s’il avait pu, avant de mourir, savoir que la Quinzaine littéraire, en danger, était sauvée (enfin, pour le moment…). Il semble que oui. Cela aurait été bien triste s’il avait dû partir en sachant le contraire.

Les auteurs majeurs que Nadeau a découverts, ou fait connaître par des traductions, sont innombrables. Pour moi comme pour beaucoup d’autres lecteurs, le souvenir de Maurice Nadeau reste irrémédiablement lié à celui d’un livre, Au-dessous du volcan de Malcolm Lowry, qu’il avait fait paraître chez Corrêa en 1959 (après une édition en livre-club en 1950).

« Utilisé par certains comme un Sésame, le nom de Malcolm Lowry est pour d’autres un test qui partage facilement l’humanité en deux camps », écrit-il dans la préface, soulignant l’aspect livre-culte de ce roman. « Parlerai-je de ceux qui sont partis pour le Mexique afin, notamment, de mettre leurs pieds dans les traces du Consul à Quauhnahuac ? » Dans ce même texte, Nadeau insiste sur la complexité du livre et déclare avoir voulu « seulement prévenir le lecteur qui va s’enfoncer pour la première fois dans la forêt obscure que la place du moindre arbuste y a été marquée par un homme qui n’a rien voulu laisser au hasard, comme pour mieux montrer, sans doute, que le hasard nous tient dans sa main. » Pour nous avoir, lui, tenus par la main à l’orée de cette forêt où nous n’aurons jamais fini de nous perdre (dieu merci), cet homme hors du commun sera beaucoup remercié.

Une rue de Cuernavaca au temps de Lowry. Image © Boris Feldblyum

Une rue de Cuernavaca au temps de Lowry. Image © Boris Feldblyum

On peut lire notamment :

– une courte biographie sur le site de la Quinzaine littéraire

l’article de Pierre Haski

celui de Pierre Assouline

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PS le 26/6/13

La BNF propose actuellement une bibliographie sur Maurice Nadeau.

Aix autobiographique

 

 

Je reviens d’un week-end passé à Aix-en-Provence pour les Journées annuelles de l’Autobiographie, organisées par l’APA. Journées extrêmement touffues, riches, pleines et dans une atmosphère stimulante. Elles se tenaient cette année à La Baume, qui est un lieu d’accueil situé au sud de la ville, dans un cadre de rêve… Un ensemble de bâtiments dont l’origine remonte au 17e siècle (elle s’appelait alors Bastide Saint-Alexis), racheté en 1952 par les Jésuites.

un coin du parc de La Baume (photo ELC)

un coin du parc de La Baume (photo ELC)

 

Un aperçu du programme des Journées, cette année sur un thème ô combien propice à discussions : Masculin/Féminin. Vendredi 24, soirée de chansons d’amour par Sylvette Dupuy : humour, tendresse et sensualité. Samedi 25 à la Cité du Livre d’Aix (bibliothèque Méjanes) : une table ronde sur le thème « Genre masculin/féminin : la mouvance des frontières », avec Jean-Paul Ricoeur, psychanalyste, Georges Vigarello, historien, et Claudine Vassas, ethnologue. Le soir : spectacle à partir de l’œuvre de Virginia Woolf « Orlando ». Dimanche 26 : deux présentations, la première de l’historienne Anne-Claire Rebreyend sur l’évolution des rapports amoureux en France au XXe siècle, vus à travers les archives autobiographiques, la seconde par Denis Chevallier, commissaire de l’exposition «   Au bazar des genres » qui s’ouvre dans quelques jours au nouveau MuCEM (Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée) à Marseille.

MuCEM J4 - Entre 2 passerelles intérieures © Agence Rudy Ricciotti

MuCEM J4 – Entre 2 passerelles intérieures © Agence Rudy Ricciotti

Entre temps, des ateliers par petits groupes, ateliers d’écriture ou thématiques, qui m’ont permis notamment de revenir sur le texte des souvenirs d’Herculine Barbin, cet/cette hermaphrodite dont le récit exhumé en 1978 par Michel Foucault a été réédité en 2008 aux éditions La Cause des Livres.

 

 

La guerre d’Espagne revisitée

« The pictures are there,
and you just take them. »
Robert Capa

L’exposition de photographies qui est montrée actuellement (et jusqu’au 30 juin) au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme de Paris a pour objet la légendaire « Valise mexicaine » de Robert Capa – en fait trois boîtes de carton contenant les négatifs de quelque 4500 photos de la guerre d’Espagne prises non seulement par Capa, mais également par sa compagne, Gerda Taro, et leur ami David Seymour alias Chim – longtemps considérée comme perdue.

Affiche du film réalisé par Trisha Ziff

Affiche du film réalisé par Trisha Ziff

Ces images ont finalement refait surface à la fin de 2007 à Mexico, d’où le nom donné à l’ensemble. (Sur l’histoire rocambolesque de la Valise mexicaine, on peut lire le récit (en anglais) de la conservatrice de l’International Center of Photography de New York, qui détient maintenant ces documents, et celui de Trisha Ziff qui a contribué à leur récupération (en anglais et en espagnol) . J’ai traduit en français le premier de ces récits et on peut le lire sur cette page du blog.)

Gerda Taro, Spectateurs de la procession funéraire du général Lukacs, Valence, ju(in 1937 - (c) ICP

Gerda Taro, Spectateurs de la procession funéraire du général Lukacs, Valence, juin 1937 – (c) ICP

L’exposition est organisée en une trentaine de séquences dont chacune couvre un moment ou un aspect particulier de la guerre civile espagnole, de mai 1936 à mars 1939 ; chaque séquence comprend des planches-contacts, des tirages et des fac-similés des publications de l’époque. C’est la naissance du photo-journalisme. Quelques-unes de ces images nous sont familières, beaucoup sont inédites.

L'ouvrage publié chez Actes Sud

L’ouvrage publié chez Actes Sud

Des photos de guerre peuvent-elles être belles ? Je ne suis sûrement pas la première à poser la question, et il n’est pas certain qu’elle ait une réponse. À les voir, l’émotion et l’empathie prennent souvent le dessus, d’autant plus quand on sait que Gerda Taro trouva la mort lors de ce conflit, en juillet 1937, à l’âge de vingt-sept ans… Mais on ne peut pas s’empêcher (pas moi, en tout cas) d’être sensible à la qualité des images, leurs cadrages, leurs compositions. Et elles continuent longtemps à habiter votre mémoire.

Robert Capa photographié par Gerda Taro en mai 1937 - (c) ICP

Robert Capa photographié par Gerda Taro en mai 1937 – (c) ICP

Les fantômes de Tabucchi à la BnF

 

 

Mardi dernier, 19 mars, la Bibliothèque nationale de France rendait hommage à Antonio Tabucchi, décédé il y a un an, le 25 mars 2012. On apprend à cette occasion que sa veuve, Maria José de Lancastre, a choisi de donner à la BnF les archives de l’écrivain. Un fonds d’une très grande richesse, comprenant l’ensemble des manuscrits, rédigés sur des cahiers d’écolier, de tous les romans et récits publiés, mais aussi des textes inédits, des notes, de nombreuses correspondances.

 

Antonio Tabucchi en 2008 - photo Wikipedia

Antonio Tabucchi en 2008 – photo Wikipedia

Présentation par la BnF : Écrivain engagé et subtil, reconnu mondialement, de nationalité italienne mais attentif à l’Europe et au monde, c’est en France, à Paris, qu’il découvre l’œuvre de Pessoa, dont la lecture bouleverse sa vie. Il décide d’apprendre le portugais, et traduira plus tard l’intégralité de l’œuvre de Pessoa en italien, avec la complicité de sa femme, Maria José de Lancastre. En 1992, il écrit un livre directement en portugais, Requiem (dont Alain Tanner a tiré un film), expérience unique dans une œuvre abondante, traduite dans de multiples langues, où l’on peut citer en particulier Nocturne Indien (prix Médicis étranger en 1987, adapté au cinéma par Alain Corneau), Petites équivoques sans importance, Pereira prétend, Tristano meurt, ou encore Le temps vieillit vite, autant de livres qui ont marqué les esprits. Professeur de langue et de littérature portugaises à l’université de Sienne (Italie), Antonio Tabucchi a été un grand intellectuel européen qui intervenait régulièrement et avec force dans de grands journaux comme le Corriere della Sera, Le Monde ou El País. Polémiste très engagé contre le gouvernement de Silvio Berlusconi, il aurait sans doute préféré se consacrer exclusivement à sa passion, la littérature, et aux plaisirs de la vie, mais l’époque impose parfois le devoir de parler. Sa lucidité et son courage en firent un éclaireur particulièrement précieux, qui savait garder le ton de l’écrivain pour aborder l’actualité et ses dérives. En tout, il fut et reste un grand auteur, très attaché à la France.

Une soirée qui a commencé et fini par des images. D’abord un extrait du film d’Alain Tanner Requiem (1998) tiré du livre éponyme de Tabucchi : la scène avec la diseuse de bonne aventure devant l’entrée du cimetière des Prazeres à Lisbonne, là même où repose maintenant l’écrivain mort le 25 mars 2012.

Bernard Comment, écrivain et traducteur de Tabucchi en français (et qui fut aussi co-scénariste de Requiem), a évoqué la symbolique de cette date du 25 mars, son ambivalence (l’Annonciation étant un thème de naissance, mais aussi de mort). Tabucchi a aussi utilisé l’image de la Visitation, évoquant la visite des anges. « Il attire des gens qui lui racontent leur histoire, il sait capter les destins », nous dit Bernard Comment, qui parle au présent de son ami disparu.

Le palais impérial de Tokyo - DR

Le palais impérial de Tokyo – DR

Un grand écrivain, « quelqu’un qui a inventé sa propre façon de marcher dans sa langue, qui éclaire son époque d’un jour singulier ». Né à Pise en 1943, il a été nourri des récits des années 30 et 40, ceux du fascisme et de la Résistance. La figure du père est très présente, dans un roman familial contradictoire, une « casuistique de la filiation » (bon père/mauvais père). Requiem est « un livre cathartique où les morts rencontrent les vivants ». Un livre emblématique de l’écriture de Tabucchi : une « esthétique de l’allusion, de l’understatement, des trous du texte ». Ainsi, dans ce livre, tout le texte est construit sur la rencontre attendue entre le narrateur et Isabel, mais il n’y a finalement pas de récit de cette rencontre, qui se révèle être le « centre vide de ce livre » à la manière du palais impérial de Tokyo (au sens où le dit Barthes[1]).

 

Essentiel, Pessoa. À sa première lecture : Bureau de tabac, à Paris dans les années 60, c’est pour Tabucchi un coup de foudre, qui changera le cours de son existence. Il décide d’apprendre le portugais (il écrira Requiem directement dans cette langue), d’aller à Lisbonne. Il ne cessera plus pendant toute sa vie d’approfondir sa connaissance de la littérature portugaise et de l’œuvre de Pessoa, avec ses écarts de niveaux de langage, ses « montagnes russes de la pensée »…

 

Lisbonne (photo ELC)

Lisbonne (photo ELC)

Bernard Comment souligne également sa lucidité envers l’actualité contemporaine, à travers culture et histoire (la « double vue » selon Balzac). Tabucchi n’est pas comme tant d’autres un intellectuel cherchant une cause ou une scène pour se mettre en avant, mais un citoyen persuadé de la nécessité d’intervenir. C’est « un démocrate intense sans romantisme des extrêmes ». Son attitude lui a valu de nombreuses attaques en Italie.

Au cours de la campagne électorale italienne de 1995, le protagoniste de son roman Pereira prétend est devenu un symbole pour l’opposition de gauche à Silvio Berlusconi, le magnat italien de la presse. Antonio Tabucchi lui-même a été très engagé contre le gouvernement Berlusconi. En tant que membre fondateur du Parlement international des écrivains, il a pris la défense de nombreux écrivains, notamment son compatriote Adriano Sofri. (Wikipedia)

 Tabucchi nous a donné des livres « qui nous ont interpellés, touchés, transformés », conclut Bernard Comment. Il en distingue surtout deux (à part Requiem) : Tristano meurt, « formidable dispositif fictionnel, constat de l’impossibilité pour la littérature de restituer la matière d’une vie », et Le Temps vieillit vite. (Justement deux que je n’ai pas encore lus !)

La soirée s’est poursuivie par la lecture par Gérard Desarthe (intense et précis) d’un extrait de Le Temps vieillit vite, puis un dialogue de Bernard Comment avec Jacqueline Risset, Edwy Plenel et Alain Veinstein. Jacqueline Risset a essentiellement évoqué les prises de position politiques de Tabucchi ; Edwy Plenel, se présentant en tant que simple lecteur de Tabucchi, a fait l’éloge de Pereira prétend, roman qui vient nous dire « comment notre liberté nous requiert par le geste de cet homme ordinaire ». Alain Veinstein, qui a reçu onze fois Tabucchi à France Culture dans son émission Du jour au lendemain, nous le présente comme « un homme de parole, qui part à l’aventure vers l’inconnu de sa parole, qui va loyalement essayer de dire cette relation d’incertitude dans laquelle il nous entraîne. « Onze rencontres à haut niveau d’intensité, chaque entretien comme un récit fait en rêve »…

 

Soirée qui s’achevait sur la projection d’un extrait de l’entretien avec l’écrivain filmé par Bernard Comment chez lui en 2008. Vite, maintenant, lire et relire Tabucchi…

 


[1] « La ville dont je parle (Tokyo) présente ce paradoxe précieux : elle possède bien un centre, mais ce centre est vide (…). De cette manière, nous dit-on, l’imaginaire se déploie circulairement, par détours et retours, le long d’un sujet vide… » Roland Barthes, L’Empire des signes

Reste la poésie

maintenant je marche à peu près comme un homme libre
agitant il est vrai un peu plus que nécessaire
mon parapluie
Z.D. Aïnalis

Je n’ai pas pour habitude de parler dans ce blog de livres que je n’ai pas (ou pas encore) lus. Je ferai exception pour celui-ci, parce que j’ai toute confiance dans la qualité du travail de Michel Volkovitch, grand traducteur, depuis une trentaine d’années, des auteurs grecs contemporains. Je reprends ici le texte de la présentation qu’il en fait lui-même sur le site de l’éditeur publie-net. (Il s’agit d’un livre numérique).

9782814597204

« En 2000, lorsqu’André Velter a décidé d’accueillir non seulement des poètes, mais des pays entiers dans sa collection Poésie/Gallimard, il a commencé par les Grecs. L’Anthologie de la poésie grecque contemporaine 1945-2000, forte de quarante poètes, a rencontré un franc succès.

Douze ans plus tard, la poésie grecque est toujours en pleine santé. C’est même, selon certains, l’une des plus riches du monde, et l’une des principales richesses de son pays — peu monnayable, hélas. Les grands aînés approfondissent, une nouvelle génération apparaît. J’ai publié en 2009, dans cette même collection grecque, l’anthologie Douze jeunes poètes, vite remarquée par les aficionados, avec invitations aux festivals de Lodève et Sète pour quatre d’entre eux déjà.

Cette nouvelle publication, pour l’éditeur et le traducteur, est l’occasion d’apporter un soutien moral à un pays cruellement blessé, pire encore : humilié. Soutien dérisoire sans doute, mais que pouvons-nous faire d’autre ?

Ce volume est le premier d’une anthologie permanente, prolongement des deux précédentes, consacrée aux poèmes écrits (ou du moins publiés) après 2000. La première phase du projet court sur cinq ans : chaque année, dix poètes seront proposés — cinq déjà consacrés, cinq plus jeunes —, soit cinquante poètes à l’horizon de 2016 ; ceux qui viennent d’être publiés en français individuellement, ou qui le seront pendant cette même période, attendront un sixième volume, après quoi nous espérons continuer, tant que nous en aurons la force. »

On peut en lire quelques courts extraits sur le site d’une grande lectrice, Brigitte Célérier.

La mystérieuse histoire du manuscrit de Voynich (suite)

« Les chercheurs de l’Université de l’Arizona ont percé l’une des énigmes entourant ce que l’on appelle « le manuscrit le plus mystérieux au monde », le manuscrit de Voynich, un livre rempli de dessins et d’écrits dont personne n’a été en mesure de donner un sens à ce jour », annonce le site Les découvertes archéologiques.

En utilisant la datation au radiocarbone, l’équipe dirigée par Greg Hodgins a pu dater les pages manuscrites du parchemin: l’ouvrage remonte ainsi au début du 15ème siècle, soit un siècle plus tôt qu’on ne le pensait auparavant.

De quoi s’agit-il ? Un peu de recyclage… Voici ce que j’écrivais en février 2009 dans mon précédent blog :

Connaissez-vous l’étrange histoire du manuscrit de Voynich ? C’est un livre ancien écrit à l’aide d’un alphabet inconnu, et dont le sujet reste également un mystère. Son contenu n’a pour l’instant pas été déchiffré. Selon les estimations les plus couramment admises, il aurait été écrit entre 1450 et 1520. Mais selon certains experts, comme Gordon Rugg, il pourrait s’agir d’une supercherie. Le mystère demeure entier puisque les thèses les plus diverses s’affrontent.

Une page du manuscrit de Voynich. Image : General Collection, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University

Une page du manuscrit de Voynich. Image : General Collection, Beinecke Rare Book and Manuscript Library, Yale University

Le livre tire son nom d’un de ses anciens propriétaires, Wilfrid M. Voynich, un antiquaire et bibliophile polonais installé à New York, qui l’acquit en 1912 auprès des Jésuites à Frascati, une ville près de Rome. (Les Jésuites possédaient à Frascati un bâtiment, la Villa Mondragone, qu’ils désiraient restaurer, mais n’ayant pas les fonds suffisants, ils décidèrent de vendre une partie de leur collection de livres anciens.)

Les illustrations dans le manuscrit donnent peu d’indications sur son contenu exact mais permettent d’identifier une demi-douzaine de sections consacrées à des sujets différents : botanique, astronomie, biologie, cosmologie, pharmacologie… De nombreuses hypothèses ont été avancées quant à la langue utilisée par le ou les auteurs du manuscrit et sa méthode de cryptage. La documentation à son sujet sur la Toile s’avère très vaste.

Le manuscrit est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Beinecke de l’université Yale. Il a été publié pour la première fois intégralement en 2005 par un éditeur français, Jean-Claude Gawsewitch.

En tant que bibliomane invétérée, j’aime beaucoup les romans dont le sujet est un livre mystérieux demandant à être déchiffré, comme La Règle de Quatre de Caldwell et Thomasson, qui porte sur un livre très réel, le Songe de Poliphile, ou encore le Club Dumas d’Arturo Perez Reverte. Le site Bibliothèque Éleusis spécialisé dans le « thriller historico-ésotérique » donne une large liste de références.

Voir aussi : le communiqué de l’Université de l’Arizona

De la difficulté d’écrire

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En général, j’écris ce qui paraît sur ce blog de manière rapide et facile (d’aucuns pourront dire que ça se voit !) Je réunis la documentation nécessaire, et c’est parti. D’où vient donc en ce début d’année, qui fut glacé (comme on le voit ci-dessus : neige sur le canal St Martin…),  puis aujourd’hui d’un gris qui se reflète sur mon humeur, je n’arrive pas à démarrer ? J’ai écrit la note précédente, celle consacrée à J.-B. Pontalis, en ressentant l’obligation de lui rendre hommage ; le peu que j’ai dit est venu naturellement. Mais maintenant, alors que je me dis que le mois de janvier s’exténue, et qu’il serait bon que cette note ne reste plus orpheline, je cale, je renâcle et je piétine.

J’aurais eu envie de montrer au moins deux expositions vues récemment ; mais le fait que je suis allée les voir au tout dernier jour, et que je pourrais ainsi allécher inutilement le lecteur, me rebute. On pourra, à défaut, se reporter aux sites qui les affichent encore pour quelque temps, j’espère. Il s’agit de l’exposition du photographe finlandais Pentti Sammalahti à la galerie Camera Obscura : magnifiques panoramiques et présence obsédante des chiens…

Et d’autre part de L’Age d’or des cartes marines, à la BNF : splendeur des portulans, ce mot longtemps mystérieux qui me rappellera toujours le roman de Georges Perec Les Choses.
PS le 14 février – un joli développement sur les portulans à lire ici

(photo ELC)

Dire adieu à « Jibé »

Nul ne peut s’arranger avec la mort.
Mais chacun de nous trouve une issue
pour s’arranger avec les morts.
(J.B. Pontalis, Traversée des ombres)

J’aurais bien aimé commencer l’année 2013 sur ce blog avec autre chose que ce qu’on appelle si élégamment dans la presse une « nécro »… mais le calendrier me l’a imposée, même si, pour raison de voyage, je n’ai appris la nouvelle qu’avec plusieurs jours de retard. C’est Jean-Bertrand Pontalis qui est mort le 15 janvier dernier, mort le jour de son anniversaire (89 ans) – une particularité que j’ai toujours considérée comme une sorte d’accomplissement.

N’ayant étudié ni la philosophie, ni la psychologie, je n’ai pas utilisé son fameux dictionnaire ; par contre j’ai lu et aimé quelques-uns de ses livres hybrides, si riches de réflexions : L’Enfant des limbes, Fenêtres, Traversée des ombres… Je souscris volontiers aux paroles de Christophe Grossi se disant « prêt à le remercier pour ce que m’ont déjà apporté ses pas de côté, sa pensée rêvante, sa prose poétique, son œuvre ouverte, son écriture si précise… »

jean-bertrand-pontalis-en-analyse-le-silence-est-la-condition-de-la-parole,M25894

Le site Fabula signale qu’« un volume d’entretiens avec J.B. Pontalis paraît ces jours-ci aux éditions de l’Olivier sous le titre Le Laboratoire central – Entretiens, 1970-2012, en même temps qu’un essai co-signé par le psychanalyste avec E. Gómez Mango: Freud avec les écrivains (Gallimard), où les deux auteurs examinent ce que la psychanalyse, et tout particulièrement son fondateur, doivent à la littérature. Rappelons à cette occasion la parution en 2007 du volume collectif Le royaume intermédiaire. Psychanalyse, littérature, autour de J.-B. Pontalis, sous la direction de J.-M. Delacomptée et F. Gantheret (Folio Essais) ».

— Un autre article relatif à Pontalis sur ce blog : « Écrire de soi »

PS le 24 janvier -Revoir JB Pontalis : sur le site de la BNF