Quand Eastwood nous jouait Misty

 

Je ne savais pas, en allant voir Play Misty for Me (Un frisson dans la nuit), que c’était le premier film de Clint Eastwood en tant que réalisateur (et acteur principal), sorti en 1971. Cela permet de voir qu’il a sacrément fait du chemin depuis ! Non que le film soit nul, mais il a tout de même vieilli (et d’ailleurs c’est un sentiment étrange de le voir comme un film « d’époque » quand on a vécu cette époque-là) et il a des maladresses que l’Eastwood d’aujourd’hui ne commettrait sûrement pas.

L’histoire : Dave Garver (Clint Eastwood) est disk jockey dans une radio de Carmel, en Californie ; trentenaire, beau garçon, homme couvert de femmes. Dans son émission, il passe des disques « à la demande » ; une de ses ferventes admiratrices, Evelyn (Jessica Walter), l’appelle fréquemment pour lui demander la même chanson, Misty, d’Erroll Garner. Un soir, il la rencontre dans un bar, ils sympathisent et passent la nuit ensemble. Pour lui, il ne s’agit que d’une aventure sans lendemain… Très vite pourtant, il va se rendre compte de la folie d’Evelyn, qui se met à le harceler, se montre très possessive et violente, notamment envers l’ancienne petite amie de Dave que ce dernier cherche à reconquérir. Elle ne cesse de lui pourrir la vie et elle ira jusqu’au meurtre pour assouvir son fantasme.

Le scénario montre bien l’enchaînement inéluctable des faits et l’escalade dans le comportement d’Evelyn, depuis un harcèlement encore anodin (coups de fil constants, visites imprévues) jusqu’aux actes visant expressément à nuire (destruction professionnelle, attaques contre les personnes). Même si la psychologie est plutôt sommaire – aucune indication permettant de comprendre pourquoi Evelyn se conduit ainsi. Ce qui est un peu plus gênant (et empêche d’avoir vraiment peur) ce sont les quelques éléments qui frisent le ridicule, comme les costumes des années 70 (ah, les chemises à pointes extra-longues !) ou la couleur carrément vermillon du sang sortant des blessures : pas du tout réaliste. Ou encore la longue séquence, au milieu du film, quand Dave retrouve son ancien amour, séquence absolument dégoulinante de sentimentalité sirupeuse, sur fond musical de la chanson The First Time Ever I Saw Your Face (« La toute première fois que j’ai vu ton visage ») interprétée par Roberta Flack.

La musique est très présente, hormis le morceau qui donne son titre au film ; Eastwood, jazzophile bien connu, a tenu à montrer de nombreux artistes de jazz (Cannonball Adderley, Johnny Otis et Joe Zawinul), qu’il avait filmés au Festival de Jazz de Monterey de septembre 1970. Finalement, ce qui reste le plus sympathique, c’est cette ambiance-là, et ce sont les personnages secondaires : Birdie (Clarice Taylor), la femme de ménage de Dave, douée d’un sens de l’humour très rafraîchissant, ou encore Murphy, le barman, interprété par le cinéaste Don Siegel, qui avait dirigé Eastwood dans Les Proies un an plus tôt.

Le film était programmé à la Cinémathèque, qui affiche simultanément, d’ici à mars, trois rétrospectives : Clint Eastwood, Steven Spielberg, Robert Altman (excusez du peu !)

Images Allociné

Aimer le jazz à travers elles

Sans la musique,
la vie serait une erreur
.
Nietzsche

Je ne la croyais pas aussi âgée (80 ans) et l’annonce de sa mort m’a surprise. Abbey Lincoln, grande chanteuse de jazz, a rejoint d’autres grandes chanteuses qui ont tant enrichi cette musique, Billie Holliday (à laquelle elle a été souvent comparée), ou encore – pour ne citer que des disparues – Shirley Horn, Ella Fitzgerald, Carmen McRae, Dinah Washington, Sarah Vaughan…

On peut lui tirer son chapeau (ce chapeau qu’elle portait si bien), pour son art et pour sa lutte comme militante des droits de l’homme, un combat qu’elle avait rejoint dans les années 1960 au moment de son mariage avec le batteur Max Roach. Trois périodes dans sa carrière, grands succès dans les années 50-60, éclipse dans les années 70-80, retour triomphal ces deux dernières décennies. « Sa carrière en solo avait rebondi ces dernières années, notamment lors de la sortie en 2007 de l’album Abbey sings Abbey où ses chansons extrêmement réfléchies et riches de métaphores nous prouvaient définitivement à quel point Abbey Lincoln était une artiste qui ne chantait surtout pas pour ne rien dire… » note la radio TSF Jazz.

Le jazz, lui, ne meurt jamais, et grâce aux diffusions radio du festival de Marciac, j’ai eu le bonheur de découvrir le merveilleux quintette du contrebassiste Avishai Cohen, un groupe dont le pianiste, Shai Maestro, porte bien son nom.

Miles Davis, l’incomparable


We want Miles, c’est le titre donné à l’exposition que la Cité de la Musique (à la Villette) consacre présentement (et jusqu’au 17 janvier 2010). We want Miles, c’était le titre d’un de ses albums, sorti en 1982. Magnifique évocation et qui vient pour moi à point, alors que j’avais regretté, en visitant Le Siècle du Jazz au musée du quai Branly en juin dernier, que Miles Davis n’y fût pas mieux honoré.

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En 1991 au North Sea Jazz Festival - photo Peter Buitelaar - image Wikipedia

Je n’y connais rien en musique, j’ai oublié le peu de solfège appris à l’école, je ne sais jouer d’aucun instrument (un regret que j’aurai toujours). Tout ce que je sais, c’est que la musique de Miles Davis est unique, incomparable au sens littéral de cet adjectif. Le son de Miles Davis. Cette année 2009 marque le cinquantenaire de la sortie d’un des meilleurs albums de jazz qui soient, Kind of Blue.

Miles Davis, en plus, ça fait du bien à l’âme. Le regretté auteur hollandais de polars Janwillem van de Wetering donnait dans un de ses livres, je ne sais plus lequel, quelques conseils pour essayer d’aller mieux, ou moins mal, parmi lesquels « écouter davantage de Miles Davis ».

Martin Committee

Trompette Martin Committee - comme l'une de celles de MD qu'on peut voir à la Cité de la Musique

J’ai eu la chance d’assister à un concert de l’homme à la trompette, en novembre 1989 au Zénith, merde il y a déjà vingt ans de ça. Moments inoubliables. Allez donc à la Villette le voir et l’entendre.

All that jazz

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Au terme de cette nouvelle visite, je ne suis toujours pas emballée par le musée du quai Branly. Bâtiment mal conçu, nom inexistant (on n’aurait pas pu trouver quelque chose qui ait du sens ?) Mais bon, il s’y passe tout de même des choses méritant l’attention, comme en ce moment l’exposition « Le Siècle du Jazz » (jusqu’au 28 juin).

Une présentation en dix sections chronologiques, qui ne se confondent pas avec les décennies puisque la dernière, curieusement, couvre toute la période 1960-2002. Je dis curieusement, parce que c’est tout de même une période riche et sur laquelle les documents ne manquent pas (le problème serait plutôt l’inverse.)

Des documents, des objets, il y en a presque trop, affiches, partitions, pochettes de disques, magazines, etc. Ce que j’ai trouvé le plus intéressant : tout le début, tout ce qu’on connaît (moi en tout cas) le moins bien, depuis 1917 (année prise comme date de naissance du jazz) jusque, grosso modo, aux années 30.

Et aussi le lien, très bien concrétisé – même s’il est insuffisamment explicité, comme le souligne Arbobo – entre le jazz et la peinture du XXe siècle, à travers de nombreuses œuvres, de Picasso à Picabia, de Kees van Dongen à Fernand Léger, et de Jackson Pollock à Nicolas de Staël.

Côté moins, je regrette (mais on en saurait être objectif en la matière) la présence insuffisante de géants du jazz tels que Charlie Parker, John Coltrane et surtout Miles Davis. Mais ne manquez pas, dans la première salle, le film de Méliès « Cake-Walk Infernal » (1903) où des démons cornus dansent en brandissant des torches ! Si l’enfer ressemble à ça, ça promet.

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Tiens, c’est peut-être l’occasion de dire tout le bien que je pense de la station de radio TSF Jazz (où il y a un peu trop de pub en semaine, mais bon…) et en particulier de son émission de blues, « Bon temps rouler » (le samedi à 19 h, pas pratique comme horaire, heureusement rediffusé le mardi à 23 h.)

Nicolas de Staël : Les Musiciens, souvenir de Sidney Bechet (1953) – DR