Des bibliothèques vécues et/ou imaginées

 

« Si Dieu existait, il serait une bibliothèque. »
Umberto Eco, article de
L’événement du Jeudi
– 9 Avril 1998

 

Samedi 4 juin, de bon matin, je me trouvais, moi chétive (au sens figuré…) parmi les doctes, doctorants et doctorantes, à la bibliothèque de l’Arsenal, pour la dernière séance du séminaire de doctorat « Arts & médias »[1] consacré à l’imaginaire des bibliothèques. Pour cette ultime évocation, Robert Damien avait invité Pierre Bergounioux.

 

La parole de Bergounioux est une merveille : cet homme-là parle comme il écrit, avec des phrases extrêmement structurées et des métaphores inattendues, mais en même temps ce n’est pas du tout une parole guindée, elle est vive, alerte comme un merle au printemps, elle s’échappe sans cesse vers la vie. Il faut l’entendre rendre hommage à Madame Couderc, bibliothécaire à Brive quand le jeune Pierre avait huit ou dix ans (« Je prononce son nom dans la bibliothèque de l’Arsenal ! »), ou décrire comment, à la même époque, il faisait chaque année éclore un oignon de jacinthe, métamorphose minuscule, miraculeuse.

 

Celui qui proclame « je suis un crétin rural » (version soft : « d’une simplicité champêtre »…) a rencontré sa première bibliothèque dans sa ville natale de Brive, où un bâtiment hybride – l’hôtel Labenche, qu’il décrit longuement dans La mort de Brune – un legs de l’Ancien Régime, abritait les collections de livres de la bibliothèque municipale. Établissement dont il devint très vite un adepte assidu.

 

« Je n’avais aucune idée des mondes dont les livres parlaient. » Mais ce que l’enfant déjà cherchait obscurément, c’était « le livre qui serait le miroir éclatant où je découvrirais qui nous étions », qui en dirait le poids, le prix, la portée.

 

On peut lire le compte-rendu complet de cette matinée sur la page « Salle de stockage » de ce blog.

 


[1] (BnF, ENSSIB, Univ. Paris 3 Sorbonne Nouvelle, Univ. Paris Ouest La Défense). Comme lors d’autres comptes-rendus, mes notes suivent d’assez près les paroles entendues, mais résultent néanmoins de mon écoute, et je mets entre guillemets les seules phrases dont je suis absolument certaine.

Le Mexique de Jack Kerouac

 

 

La Revue des Ressources, qu’elle en soit remerciée, me fait l’amitié de publier sur son site un extrait de mon livre Le Mexique, un cas de fascination littéraire (éd. de L’Harmattan) ; plus précisément, du chapitre consacré aux séjours mexicains des écrivains de la Beat Generation.

Beauté inaltérable

Je passais au bord de la Seine
Un livre ancien sous le bras
Le fleuve est pareil à ma peine
Il s’écoule et ne tarit pas
Quand donc finira la semaine
Apollinaire

Quand on aime les livres, on les aime de toutes les manières (même numériques, mais ce n’est pas le sujet du jour…) J’ai visité samedi 30 avril le Salon International du Livre Ancien. Cette manifestation existe depuis 1984 et se tient depuis 2007 au Grand Palais. J’y suis allée déjà plusieurs fois, pas tous les ans. En tout cas, j’ai pu constater chaque fois que des libraires du monde entier viennent y montrer des pièces exceptionnelles. Exceptionnelles par la rareté et par la beauté des reliures, des mises en page et des typographies. Bien sûr, c’est un salon, c’est-à-dire que l’on peut acheter les livres exposés, mais ils ne sont pas à la portée de tout le monde. Les prix commencent à quelques centaines d’euros et grimpent jusqu’à plusieurs dizaines de milliers… Mais qu’importe, ce qui compte ce n’est pas de posséder.

A titre d’exemple, j’ai admiré un livre unique (unique au sens littéral, c’est-à-dire qu’il n’en existe qu’un seul exemplaire…) intitulé A une fille des Tropiques : poème de Baudelaire mis en images en 1927 par Lucien Guy, qui a peint sur des plaquettes de bois exotiques sept peintures et sept encadrements et décors pour les sept strophes du poème. Je me souviens aussi d’un recueil de proverbes illustré par des gravures de Jacques Lagniet, paru vers 1650. Bonheur d’Internet, on peut consulter un exemplaire de ce livre sur le site American Libraries. Et ce qui est agréable aussi : les stands ne sont pas avares de catalogues et ceux-ci sont souvent presque aussi beaux que les livres qu’ils recensent !

Depuis quelques années, les organisateurs ont aussi mis en place des thématiques, et cette année il s’agissait du « politiquement incorrect », un thème bien nécessaire par les temps qui courent ! On pouvait aussi visiter un stand présentant des ouvrages extraits de la bibliothèque littéraire Jacques Doucet, créée par ce grand couturier, collectionneur et mécène. Consacré à la littérature française, depuis le symbolisme jusqu’à l’époque contemporaine, ce fonds réunit les noms les plus prestigieux, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, Apollinaire, Reverdy, Cendrars, Breton et la plupart des surréalistes, avec des manuscrits et des documents de toute sorte (vu notamment deux lettres de Nadja à Breton, des carnets de Francis Ponge et un étrange rouleau enluminé de Jean Benoît).

Le SILA proposait également un cycle de lectures, intitulé « Une saison de Nobel », et j’ai eu la chance d’assister à celle consacrée à Gao Xingjian : mais ce sera l’objet d’une prochaine note.

Gravure extraite du "Recueil des plus illustres proverbes divisés en trois livres : le premier contient les proverbes moraux, le second les proverbes joyeux et plaisans, le troisiesme représente la vie des gueux en proverbes", Jacques Lagniet, Paris, 1663. Source Wikimedia Commons.

La rose au point

Le chiffre d’affaires des librairies
est un fichu baromètre pour la société.
Denis Guedj

Je n’aime guère les célébrations, les journées de ceci et de cela, qui ne sont la plupart du temps qu’un alibi pour négliger le sujet concerné le reste du temps. Mais je fais quelquefois des exceptions. Le livre, en ce qui me concerne, je le fête tous les jours, en lisant et en écrivant. La journée du livre me semble néanmoins sympathique. Elle aura lieu pour la onzième année consécutive le 25 avril.

L’idée de cette célébration trouve son origine en Catalogne, où il est de tradition ce jour-là d’offrir une rose pour l’achat d’un livre. Une opération qui s’inscrit dans le cadre plus général de la « Journée mondiale du livre et des droits d’auteur » instaurée par l’Unesco et fixée au 23 avril : date, en 1616, de la mort de Cervantès et de Shakespeare, jour aussi de la Saint Georges, la San Jordi, saint patron de Barcelone.

Elle a été adaptée en France à l’initiative de Marie-Rose Guarniéri, qui dirige la Librairie des Abbesses et qui a créé pour cela, il y a onze ans, l’association Verbes. Dès le départ plus de 300 librairies indépendantes ont joué le jeu, et elles sont aujourd’hui près de 450. Plutôt que de vous empiffrer d’œufs en chocolat, offrez-vous un livre ! (Ou plutôt, lisez tout en mangeant du chocolat… quelque chose qui ressemble au bonheur.)

Liste des librairies participantes


Source image : Le Monde des Arts

Paul Auster, le hasard et la complexité


« Les histoires n’arrivent qu’à ceux qui sont
capables de les raconter.
De même, les expériences ne se présentent
qu’à ceux qui peuvent les vivre. »
Paul Auster

Pour sa prochaine séance de lecture, le groupe de l’Oeil Bistre propose un auteur que j’aime beaucoup et depuis longtemps… En attendant la sortie de son prochain roman, Sunset Park, retour sur une oeuvre des plus originales.

 

Hasard et coïncidences, identités et origines, échec, errance, perte de la capacité d’être au monde : les livres de Paul Auster reprennent inlassablement une quête obsessionnelle à laquelle seule l’écriture peut répondre. Depuis 1988, quand est paru en français le premier volume de sa Trilogie new-yorkaise, et à travers une vingtaine de romans, plus quelques essais et recueils divers, cet auteur américain poursuit son exploration. Les méandres de la mémoire, les convergences incongrues du quotidien, les rencontres improbables sont ses outils pour élucider les rapports complexes entre réel et illusion. Ils alimentent des narrations qui progressent, entre les jeux de miroir et les mises en abyme, pour dire le sentiment d’un désastre imminent, celui de la perte des repères, celui de la tentation du néant. Pourtant ces récits n’ont rien d’abstrait et se situent précisément par rapport à l’histoire et la géographie des Etats-Unis. Ils évoquent fréquemment l’univers urbain où ses personnages se croisent selon des figures subtiles et des parcours incertains.

 

Passionné de cinéma (il avait tenté le concours de l’IDHEC et a fini par réaliser plusieurs films, notamment Smoke et Brooklyn Boogie en collaboration avec Wayne Wang), Auster est aussi un ardent francophile, traducteur en anglais de grands auteurs : Mallarmé, Sartre, Blanchot, Bataille, René Char…

 

« Dans la vie, on fait rarement l’expérience de pénétrer le cerveau d’un autre. Seule la littérature offre cette possibilité : habiter l’esprit de gens qui ne sont pas nous. C’est pour ça que nous aimons lire. C’est pour ça que la lecture est si belle, si provocante, si humaine : parce qu’elle nous permet de partager avec les autres quelque chose d’intime. » Paul Auster

 

La lecture aura lieu le dimanche 10 avril 2011 à 17 h au café L’Apostrophe, 23 rue de la Grange-aux-Belles, 75010 Paris  – stations de métro : Jacques Bonsergent (ligne 5) ou Colonel Fabien (2). Informations : oeilbistre (arobase) gmail (point) com

« Au pays des chiens morts »

« Le Mexique est un pays où il faut rester longtemps,
alors on cesse d’y être des voyageurs et il se referme sur vous
avec une puissance dont je n’essaierai pas
de vous décrire ici les effets ».
André Pieyre de Mandiargues,
Quatrième Belvédère

Ecrire un livre, le publier, quand on a la passion de la lecture, c’est souvent un rêve. Et voilà que quelquefois, le rêve se réalise et c’est ce qui vient de m’arriver… je publie mon premier livre, il vient de sortir et j’éprouve, à côté de la joie et de la fierté, une sorte d’égarement, comme si je ne savais pas encore comment réagir.

Rassurez-vous, ce n’est pas un roman, c’est un essai. « Le Mexique, un cas de fascination littéraire »… Il porte donc sur la fascination que le Mexique exerce depuis bien longtemps sur les écrivains (de langue anglaise ou française) qui l’ont visité, au point que certains y ont longuement séjourné et en ont fait la matière de leurs fictions. Une fascination qui ne manque pas d’ambiguïté et dont mon propre livre n’a sûrement pas épuisé les aspects complexes. Voici ce que dit le communiqué de presse :

Durant les cinq siècles écoulés depuis que Hernan Cortés mit pied, en 1519, sur l’île de Cozumel, au large de la terre du Yucatán, la fascination des Européens pour le Mexique ne s’est jamais démentie. Certains sont passés à l’acte, se sont embarqués dans des voyages longs et hasardeux, pour y chercher fortune ; d’autres se sont contentés de rêver inlassablement à un Mexique imaginaire, peuplé d’Indiens mystérieux et de serpents emplumés.

Au fil du temps, les espoirs matériels des uns, tout comme les songes incertains des autres, se sont nourris de livres. Au 20e siècle, un certain nombre d’écrivains ont fait une expérience particulière : celle d’avoir séjourné au Mexique de manière relativement durable (au moins plusieurs mois) et d’avoir fait de leur vision de ce pays la base de textes de fiction, écrits soit sur place, soit à leur retour, « à tête reposée ». Que cherchaient-ils, qu’ont-ils trouvé, et dans quelle mesure les réponses à ces deux questions peuvent-elles coïncider ?

C’est à ces interrogations que ce livre tente de répondre, à partir des livres de nombreux auteurs de fictions en langue anglaise et française, comprenant des œuvres majeures représentatives du thème proposé, comme celles de D.H. Lawrence et de Malcolm Lowry, ou des cas emblématiques comme ceux d’Antonin Artaud ou J.M.G. Le Clézio. Il examine comment une telle relation de fascination – ou plutôt de fascination/répulsion – des écrivains envers le Mexique a pu se développer et ce qu’elle a de commun avec l’attraction qu’il exerce souvent sur les voyageurs étrangers. Il établit, à travers l’étude des textes, un panorama détaillé des auteurs concernés et des modalités particulières de leur relation à ce pays si mystérieux. Enfin, il dégage des perspectives générales sur l’approche que les auteurs ont pu avoir du Mexique sur place, sur les diverses influences auxquelles ils ont pu être sujets (utopies, exotisme, primitivisme…) et sur l’apport de leur séjour à leur œuvre littéraire.

« Avec ce livre profond et très documenté, Elizabeth Legros Chapuis nous invite à connaître les auteurs et les œuvres qui se sont approchés du Mystère mexicain par la création littéraire. (…) Autant qu’un parcours entre des œuvres, ce livre est une invitation à la réflexion sur les liens entre littérature et espace géographique, entre la pulsion créative d’auteurs et l’influence du lieu où ils se situent. »

(Philippe Ollé-Laprune)

On peut aussi consulter la fiche du livre sur le site des éditions de l’Harmattan, où il est disponible également sous forme de e-book.
Comme c’est souvent le cas, l’éditeur a souhaité un changement de titre : mon titre initial est devenu le sous-titre du livre.
PS – Le livre est référencé à la FNAC et on le trouve aussi chez Amazon – ou directo chez l’éditeur.

Actes de dévotion


Tous les amateurs de livres, lecteurs, liseurs et autres bibliomanes connaissent bien ce problème récurrent : ranger sa bibliothèque. Les livres ont une irrésistible tendance à proliférer ; les lecteurs boulimiques comme moi ont, eux, tendance à prendre de bonnes résolutions du genre « pour chaque nouveau livre qui entre ici, j’en élimine un » (sachant bien sûr qu’éliminer, en l’occurrence, ne signifiera jamais détruire ou jeter, mais donner ou vendre afin qu’un autre lecteur prenne  en charge le problème) et puis évidemment de ne pas les tenir, ce qui est le propre des bonnes résolutions.

Jolie, mais généralement très insuffisante...

Et encore quand je dis « ranger sa bibliothèque », je ne parle pas d’une pièce de mobilier unique, mais de l’ensemble formé par tous les livres qu’on possède et qui sont inévitablement répartis entre divers meubles, étagères et autres lieux plus ou moins propres à les accueillir. En ce qui me concerne, je suis prise de temps en temps par une frénésie organisationnelle qui me pousse à vouloir trouver, contre toute espérance, le système idéal permettant que tous les ouvrages soient facilement accessibles par l’exercice d’une logique imparable (rires). Et là forcément, je me heurte aux problèmes inhérents à cette quête, ceux que Georges Perec a si bien décrits dans Penser/Classer (voir un extrait de ce texte sur le site Désordre de Philippe de Jonckère) : problème d’espace, problème d’ordre. Un accroissement imprévu des livres appartenant à une catégorie quelconque – disons par exemple ceux portant sur la culture du kiwi dans le Poitou – entraîne la nécessité de déplacer ceux d’une autre catégorie – disons par exemple les romans érotiques en langue birmane, selon que le nombre des uns et des autres « colle » plus ou moins juste avec la longueur d’une planche. Sans compter qu’au cours de ce rangement, on tombe fatalement sur des livres qu’on ne se rappelait plus posséder et qu’il nous paraît soudain urgent de lire. Du coup, il y a quelques livres de plus qui traînent hors des rangements.

« Comme les bibliothécaires borgésiens de Babel qui cherchent le livre qui leur donnera la clé de tous les autres, nous oscillons entre l’illusion de l’achevé et le vertige de l’insaisissable. Au nom de l’achevé, nous voulons croire qu’un ordre unique existe qui nous permettrait d’accéder d’emblée au savoir ; au nom de l’insaisissable, nous voulons penser que l’ordre et le désordre sont deux mêmes mots désignant le hasard. » Georges Perec

Finalement, on est bien obligé de se rendre compte qu’il s’agit d’une entreprise aussi vaine qu’illusoire, dont le résultat sera immanquablement remis en question. Je me demande alors si les tentatives persistantes auxquelles se livre le lecteur dans le but déclaré de ranger sa bibliothèque (éventuellement accompagnées de fermes déclarations d’intention) ne sont pas simplement de sa part des actes de dévotion adressés à la déesse Lecture, actes aussi modestes et aussi peu durables que le balayage d’une chapelle.

image de L’envers du décor

« George Orwell is watching you »

En ces temps d’imposture universelle,
dire la vérité est un acte révolutionnaire.
G. Orwell

 

Pour faire venir le printemps, un auteur décapant au menu des lectures du groupe de l’Oeil Bistre…


Rares sont les écrivains autant cités et pourtant aussi méconnus que George Orwell. Étiqueté par les uns comme anticommuniste, catégorisé par d’autres comme auteur de science-fiction (!?), il reste encore étrangement incompris.

Persuadé que l’art peut et doit prendre parti, faire œuvre de résistance, Orwell a mis la littérature au service des valeurs humaines auxquelles il était viscéralement attaché : la liberté, la fraternité, la justice sociale. Il exprime sa pensée dans un langage volontairement clair et accessible et nous invite à réfléchir le monde au travers de l’expérience, du vécu quotidien. En somme, à nous méfier de la « dictature des théoriciens ».

Personnalité surprenante, dérangeante et parfois paradoxale, il a toujours eu comme ligne de conduite une honnêteté sans faille, refusant toute compromission, tant dans sa vie que dans son travail. A notre époque où Big Brother est devenu si familier, il est urgent de redécouvrir ce libre penseur, sa clairvoyance et son esprit critique.

Cette lecture aura lieu dimanche 13 mars à 17 h, au café L’Apostrophe, 23 rue de la Grange-aux-Belles, 75010 Paris  –  tel. 01 42 08 26 07 – stations de métro : Jacques Bonsergent (ligne 5) ou Colonel Fabien (2). Entrée libre. Renseignements : email = oeilbistre arobase gmail point com

Eternité du roman


« Le roman ne peut plus prétendre nous informer sur la façon dont le monde est fait ; il doit et peut cependant découvrir la façon, les mille, les cent mille nouvelles façons avec lesquelles notre insertion dans le monde se dessine, exprimer au fur et à mesure les nouvelles situations existentielles. » Italo Calvino

Italo Calvino dans sa petite enfance à Cuba, où il est né en 1923

Calvino, auteur italien mort en 1985, a pris ses distances avec les formes classiques du roman ; il a fortement puisé dans la symbolique de la fable et du conte, et il a été un membre actif de l’Oulipo (dont il est devenu, si je ne me trompe, l’un des premiers membres étrangers) après avoir traduit en italien les Fleurs Bleues de Raymond Queneau.

Il ne nous en a pas moins laissé un recueil intitulé Pourquoi lire les classiques (coll. Points) où Xenophon, Dickens et Balzac côtoient des noms plus inattendus : Jérôme Cardan, le Vénitien Giammaria Ortes (que j’ignorais totalement, je l’avoue) ou Tiran le Blanc, « premier roman de chevalerie ibérique ». Le roman dit « classique » est toujours à redécouvrir ; le roman en général, loin d’avoir épuisé sa substance, représente une forme assez souple – que l’on songe à tous ses avatars depuis l’émergence de ce « concept » – pour accommoder toutes les manières d’être au monde qui cherchent à se dire. J’en saurai un peu plus sur le roman, toutefois, le jour où j’aurai réussi à en écrire un.

A lire : Un article de Jacques Jouet, L’homme de Calvino

Image : site italien Internet Culturale

ERRatique

L’édition est l’art de salir
avec de l’encre chère
un papier coûteux
pour le rendre invendable.
René Julliard

Il a souvent été question dans ces colonnes de l’excellente Revue des Ressources. Pour prolonger le travail qu’elle effectue viennent d’être créées les Éditions de la Revue des Ressources (ERR), ayant pour mission de publier sur papier des textes parus en ligne ou totalement inédits.

« La Revue des Ressources, pionnière de la littérature en ligne, fait le choix d’un retour au papier quand d’autres choisissent le livre électronique. À nos yeux, la toile est un laboratoire, comme se doit de l’être une revue. Mais le livre demeure l’objet du désir, celui par quoi la lecture peut vraiment s’incarner », indiquent les éditeurs. « Les Éditions de la Revue des Ressources ont décidé de s’affranchir des modes de production et de diffusion traditionnels. Nous voulons, malgré nos faibles moyens, publier un livre sur le seul critère de l’intérêt que nous lui portons, sans s’alourdir de coûts qui impliquent une rentabilité à court terme. Grâce aux techniques numériques de pointe de l’imprimerie Évidence, nous sommes en mesure de procéder à de petits tirages à faible coût. (…) En utilisant notre site comme outil principal de diffusion et de distribution, nous rétablissons un contact direct des auteurs aux lecteurs. »

Dans ce contexte, les responsables des ERR ont choisi un petit format (10×14,5), une couverture sur papier vergé gris, habillée par « un univers typographique originellement pensé pour un environnement numérique », et des prix de vente délibérément modestes, ne devant pas dépasser le prix public de 10 euros. Le premier livre des ERR, Le manifeste du saumon sauvage de Rodolphe Christin, est déjà disponible et en vente sur le site.