« L’on est bien faible quand on est amoureux. »
Madame de La Fayette
J’ai vu en hâte, avant qu’il quitte l’affiche, le film de Bertrand Tavernier La Princesse de Montpensier. Quand le scénario d’un film est tiré par adaptation d’un livre, je me demande toujours ce que le scénariste et/ou le réalisateur ont ajouté à l’histoire (ou l’inverse). En ce qui concerne cette Princesse, « une des plus belles princesses du monde », leur apport a été considérable. En effet, le texte de Madame de La Fayette est fort court, on peut le retrouver d’ailleurs in extenso dans les documents Wikisource ou chez la Revue des Ressources : cela se lit en un quart d’heure et les dialogues très peu nombreux ne dépassent pas trois ou quatre répliques.
A part quelques points de détail, le film suit de très près ce bref récit ; mais il a fallu effectivement le développer avec des péripéties concrètes là où le texte ne donne, en quelque sorte, que des indications de tendance. Ainsi Tavernier a choisi de montrer le contexte historique des guerres de religion avec plusieurs scènes de batailles et de massacres, notamment dès la première séquence du film ; de telles scènes ne font pas partie du récit de Madame de La Fayette ; tout au plus mentionne-t-elle, à propos du massacre de la Saint Barthélemy, « cette même nuit qui fut si funeste à tant de gens ». Le dégoût et la répulsion éprouvés par le comte de Chabanes (excellemment interprété par Lambert Wilson) après qu’il ait participé à de telles exactions, et la décision qu’il en tire de ne plus se battre, appartiennent à ces inventions nécessaires ; et cela n’est pas choquant, car cela « colle » bien avec l’esprit du personnage.
Le mélange de raffinement des usages de la Cour et de brutalité des mœurs guerrières nous replace efficacement dans l’époque ; mais nous renvoie aussi à la nôtre, car assurément nous pouvons être tout aussi raffinés (quoique différemment) et tout aussi brutaux (voire davantage grâce au progrès technique). Un autre mérite du film est de montrer comment l’héroïne est aimée, non pas de deux, ni de trois, mais de quatre hommes différents, et de quatre manières différentes (mais elle n’en aimera qu’un seul). Et si le mari jaloux, l’amant (le duc de Guise) fougueux, le duc d’Anjou flamboyant, sont à peu près là où on les attend, je trouve que le personnage du comte de Chabanes, encore lui, est beaucoup plus original et attachant ; mais là, le mérite en revient d’abord à Madame de La Fayette, avant Tavernier et Wilson. Comment la force de son amour le conduit non seulement à adopter une posture de renoncement (thème récurrent chez l’auteur de la Princesse de Clèves), mais aussi à se faire carrément l’entremetteur au bénéfice de son rival, voilà qui n’est pas si banal. Sinon, Mélanie Thierry est bien jolie, très expressive, et les costumes sont magnifiques.
« Elle mourut en peu de jours, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde, et qui aurait été sans doute la plus heureuse, si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions. » (Dernières lignes du récit).
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images du film Allociné, couverture du livre Amazon