La compréhension n’est jamais que
la somme des malentendus.
Haruki Murakami
Je m’aperçois que je n’ai jamais parlé ici d’un livre que j’ai beaucoup aimé, Kafka sur le rivage de Haruki Murakami. Aujourd’hui c’est d’un autre roman du même auteur qu’il s’agit, Le passage de la nuit (chez 10/18, traduit du japonais par Hélène Morita). Beaucoup plus court, plus ramassé, il prend place, littéralement, durant le passage d’une nuit, de minuit à sept heures moins dix.
Le temps d’une nuit, Haruki Murakami nous entraîne dans un Tokyo sombre, onirique, hypnotique.
Dans un bar, une étudiante, Mari est plongée dans un livre. Elle boit du thé, fume cigarette sur cigarette. Un jeune musicien surgit, qui la reconnaît ; c’est Takahashi, un ami de sa sœur Eri. Pendant ce temps, dans une chambre, Eri dort à poings fermés. Elle ne sait pas que quelqu’un l’observe.
Autour des deux sœurs vont défiler des personnages insolites : une prostituée agressée par un client, une gérante de « love hotel » vengeresse, un informaticien désabusé.
Des événements bizarres vont survenir : une télévision débranchée qui se met brusquement en marche, un miroir qui garde les reflets… À mesure que l’intrigue progresse, le mystère se fait plus dense, suggérant l’existence d’un ordre des choses puissant et caché. (D’après la présentation de l’éditeur, triturée par mes soins).
Le roman fait alterner les séquences où interviennent Mari, dans son errance déterminée à passer la nuit dehors, Takahashi qui se rend à une répétition puis va retrouver Mari, Kaoru la gérante et ses employées, et celles où l’on retourne dans la chambre où dort Eri. Elle dormira pendant tout le récit ; d’ailleurs elle dort en permanence, sans pour autant être dans le coma : c’est un de ces mystères que Murakami affectionne et arrive par son habileté narrative à nous faire gober sans réticence. (Enfin quand je dis nous… moi, du moins).
Murakami arrive à entrelacer, à sa manière tout à fait particulière, les éléments les plus réalistes (l’agression dont est victime la jeune prostituée chinoise) et ceux qui semblent appartenir à un monde onirique dont les frontières, au fur et à mesure du passage de la nuit, se font de plus en plus incertaines. Il y mêle également des réflexions sur le point de vue (ici démultiplié) du narrateur éclairé par des images urbaines comme sorties d’une video qui tournerait en boucle. On est accroché par cette histoire décalée qui parle, en fait, de la difficulté à être soi, avec soi et avec les autres – comme toujours.
→ Une critique intéressante de ce livre sur le blog Racines
images : portrait Murakami de la Wikipedia, Tokyo de Chubby Beavers
Merci beaucoup pour la citation de mon modeste article. Ce blog a l’air fort intéressant, je vais y faire un tour 🙂
Merci Anne, et bienvenue dans cet univers sédimentaire…
Je pars en voyage tout à l’heure et la lecture de ton billet m’a fait passer acheter ce bouquin et le mettre dans ma valise.
J’avais été très impressionné par « au sud de la frontière, à l’ouest du soleil » que j’avais chroniqué en son temps.
Merci pour l’impulsion!