« This must be the place », film de Paolo Sorrentino
Je ne sais pas si c’est le bon endroit, mais c’est certainement le bon moment. Résumé très résumé : Cheyenne est une ancienne star du rock. A 50 ans, il a conservé un look gothique, et vit de ses rentes à Dublin. La mort de son père, avec lequel il avait coupé les ponts, le ramène à New York. Il décide de poursuivre, à travers l’Amérique, la vengeance qui hantait le vieil homme.
Le film comprend en fait deux parties : la première qui décrit, assez longuement, le mode de vie de Cheyenne en Irlande (argent en abondance, manoir post-moderne, compagnonnage sympathique avec une épouse originale, ennui latent…) et la seconde qui est un mini road-movie axé sur la recherche d’un ancien criminel nazi, autrefois tortionnaire du père dans les camps. Histoire bancale, car dans la première partie il ne se passe pas grand-chose, et c’est bien lent, tandis qu’une fois aux USA, tout s’enchaîne trop bien et trop facilement (exemple : dès que Cheyenne pense à parcourir le pays, il tombe sur un trader moraliste qui, lui, a besoin d’une personne de confiance pour convoyer son pick-up* au Texas, etc.)
Malgré tout, ce film bizarre possède beaucoup de charme, essentiellement grâce à l’interprétation impeccable de Sean Penn qui est décidément capable de jouer absolument tout. Pour ce personnage, il arbore un look impossible à la façon d’un Robert Smith ou Alice Cooper passé au ventilateur. (Eh bien, j’aime assez cet aspect d’androgyne aux yeux charbonneux, comme aussi chez Johnny Depp quand il est pirate des Caraïbes…) Décalé, déjanté, indifférent, c’est un éternel adolescent qui en a conservé l’intransigeance et la manière de sortir aux gens, avec ou sans malice, des vérités pas toujours bonnes à dire. Et ça fait mouche.
On retrouve avec plaisir, dans un petit rôle, Harry Dean Stanton (celui du Paris, Texas de Wim Wenders) et, as himself, David Byrne qui a fait la musique du film (et vive les Talking Heads !) Bon, le film n’a pas que des qualités, il est souvent un peu (trop) lent, et puis il y a une recherche quelque peu complaisante de la belle image, de l’angle de prise de vues original (genre : pour filmer une scène dans une station-service, passer sous la citerne du camion…) dont on pourrait se passer. Mais dans l’ensemble, c’est plutôt stimulant.
Images Allociné
—–
*Comme je suis un dinosaure, je rappelle aux jeunots qui se seraient égarés sur cette page que, dans le temps, un pick-up était en bon français ce qu’on appelait aussi un électrophone ou un tourne-disque et pas une camionnette à l’arrière découvert.
Ping : Trop de beauté ? | Sédiments