Voici le récit du moment où tout était en suspens,
tout n’était que calme et silence ; tout était immobile,
tout était tranquille et l’immensité du ciel était vide.
Popol Vuh, Livre sacré des Mayas
On a beaucoup parlé des Mayas ces derniers temps à propos de la fameuse prédiction annonçant de grands changements, voire la fin des temps, pour le 21 décembre 2012 (certains disent le 11 décembre), date supposée de la fin d’un cycle du « compte long » du calendrier maya, parfois interprétée comme la fin de ce calendrier, et donc comme une prédiction de fin du monde. Il existe même tout un ensemble de croyances engendrées par les interprétations new age du calendrier et des mythes mayas, on appelle cela le mayanisme. Franchement, je trouve plus intéressants le passé et l’histoire des Mayas…
L’occasion d’en savoir plus sur ce passé est fournie par l’exposition Maya, de l’aube au crépuscule, du musée du quai Branly (jusqu’au 2 octobre prochain). A travers plus de 150 pièces exceptionnelles, appartenant aux collections du Museo Nacional de Arqueología e Etnología du Guatemala, et pour la plupart jamais sorties de leur pays d’origine, l’exposition propose de découvrir les Mayas, l’une des trois grandes civilisations qui ont marqué l’histoire de l’Amérique précolombienne. Elle met en avant les dernières grandes découvertes archéologiques sur plusieurs sites récemment étudiés – notamment El Mirador, sélectionné en vue d’une nomination au patrimoine mondial de l’Unesco.
C’est une des plus anciennes civilisations d’Amérique : ses origines remontent à la préhistoire et les premières constructions mayas ont été datées du 3e millénaire av. J.-C. D’importantes cités-États mayas des Basses-Terres du Sud, telles que Copán, Tikal ou Palenque, ont connu un niveau de développement élevé entre le VIe et le IXe siècle de notre ère, avant d’être abandonnées vers le 9e siècle. D’autres cités subsistèrent alors dans les Basses-Terres du Nord et les Hautes-Terres du Sud, avant d’entrer en décadence puis de disparaître (pour des raisons qui ne sont pas encore clairement élucidées) au 16e siècle, peu après la conquête espagnole. Le domaine maya s’étend sur plusieurs pays, le Guatemala formant sa partie centrale : ils étaient présents aussi au sud-est du Mexique (États du Tabasco, Chiapas, Campeche, Yucatán et Quintana Roo), au Belize et dans les extrémités ouest du Honduras et du Salvador.
De nos jours, une large part de la population rurale du Guatemala, du Yucatán et du Belize descend des Mayas et parle une des 28 langues mayas (5 millions de locuteurs dont la moitié pour le quiché parlé au Guatemala). Cette présence est évoquée dans l’exposition par une série de photos montrant notamment des fêtes comme celles de Rabinal Achi (Danse du Tambour) ou de Paabank.
Mais l’essentiel de l’exposition est constitué par des objets en céramique, coquilleage, os, jade, obsidienne, des bijoux, des statues et stèles en stuc ou en pierre, provenant des grands sites d’exploration archéologique. El Mirador est un site maya de l’époque préclassique situé dans le département du Petén, dans le Nord du Guatemala, à quelques kilomètres de la frontière mexicaine, au milieu d’une forêt pluviale dense. Le penchant des Mayas pour les fastes architecturaux apparut vers 600 av. J.-C. avec la construction de pyramides massives à El Mirador.
Les archéologues ne sont arrivés là que dans les années 1930, mais le site était connu des chicleros qui parcouraient la région à la recherche de chicle (gomme du sapotillier, matière première du chewing-gum). Ils lui ont donné son nom : « El Mirador », le « poste d’observation » en espagnol, car du sommet de ses pyramides on embrasse toute la région environnante. On doit également aux chicleros le nom des principales structures du site : « Tigre » (jaguar), « Danta » (tapir) ou « Monos » (singes hurleurs). Les mêmes animaux qui se retrouvent fréquemment dans l’iconographie des objets mayas…
C’est en faisant des recherches sur le réseau de collecte des eaux à El Mirador que l’équipe de l’archéologue américain Richard Hansen, de l’université de l’Idaho, a découvert en 2009 une frise sculptée représentant le mythe créateur des Mayas, décrit dans leur livre sacré, le Popol Vuh. « C’était comme de retrouver la Joconde dans les égouts », a déclaré Hansen à l’époque. Le panneau de stuc remontant au 2e siècle av. J.C. représente les jumeaux du mythe, Hunaphu and Xbalanque, nageant dans le monde souterrain pour y retrouver la tête coupée de leur père.
Beaucoup d’objets exposés proviennent aussi de Tikal, l’un des plus grands sites archéologiques et centres urbains de la civilisation maya précolombienne, également situé dans le bassin du Petén. Tikal était la capitale d’un État conquérant qui fut l’un des royaumes les plus puissants des anciens Mayas. C’est l’une des mieux connues des grandes cités mayas des basses terres, grâce à la transcription d’une longue liste de rois, dont pour la plupart on a découvert les tombes, ainsi que leurs sculptures monumentales, leurs temples et leurs palais. Comme les Egyptiens, les Mayas ensevelissaient leurs souverains avec les insignes de leur pouvoir et de leur richesse afin qu’ils puissent prolonger leur vie dans l’au-delà.
Une vidéo expose le décryptage de l’écriture maya, système logosyllabique qui compte environ 800 signes. Un premier pas dans la compréhension de ces glyphes a été franchi avec la redécouverte de l’ouvrage de Diego de Landa, un inquisiteur espagnol du 16e siècle, qui avait tenté d’établir un syllabaire. Mais les étapes les plus décisives de ce travail sont dues à l’abbé Charles Étienne Brasseur de Bourbourg et à Ernst Föstermann qui, dans les années 1880, a étudié le Codex de Dresde et reconstitué le fonctionnement du calendrier maya. Ensuite sont venus au 20e siècle les travaux de l’épigraphiste russe Youri Knorosov et de l’archéologue canadien David Kelley.
Exposition que j’ai donc trouvée passionnante, bien que je conserve les mêmes réserves que j’ai déjà exprimées au sujet de la gestion des espaces dans le musée du quai Branly. Les Mayas se retrouvent en mezzanine dans des lieux confinés et dès qu’il y a une vingtaine de personnes dans une salle, on se marche dessus. C’est bien dommage…
Source images :
Frise Popol Vuh : Mirador Basin Project
Site El Mirador : Destination 360
Page Diego de Landa : Wikipedia
Photos de l’expo : de l’auteur
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PS du 15 septembre
Une équipe de spécialistes mexicains a découvert les restes d’un palais Maya vieux de 2000 ans dans un site archéologique, à Ocosingo, au sud-est de l’état du Chiapas.
« Cette découverte constitue la première preuve architecturale d’une occupation précoce des anciennes cités mayas au-dessus du bassin Usumacinta, » dans la jungle Lacandone, a précisé l’Institut National d’Anthropologie et d’Histoire (INAH) dans un communiqué.
Le directeur du projet, Luis Alberto Martos, a expliqué que cette nouvelle découverte a été faite dans une cour encaissée située dans la partie nord du site archéologique du Plan d’Ayutla et représente la première preuve d’occupation de cette zone entre 50 av. JC et 50 ap. JC. Martos a ajouté que les premières preuves concrètes de l’occupation maya de cette région remontaient, auparavant, à seulement 250 ap. JC. D’autres détails ici : site « Découvertes archéologiques«