Marguerite Duras dans la nécessité de l’écriture


Il y aurait une écriture du non-écrit.
Un jour ça arrivera.
Une écriture des mots seuls.
Des mots sans grammaire de soutien. Egarés.
Là, écrits. Et quittés aussitôt.

Marguerite Duras,
« La Mort du jeune aviateur anglais »
in Écrire (1993).

« Mais cet ascétisme extrême ne conduit pas nécessairement à l’absence de vision », écrit Dominique Noguez dans Duras, toujours (Actes Sud, 2009). « Ce non-écrit est quand même une écriture. C’est le dire lapidaire, lacunaire, elliptique, hyperconcis qu’on trouve déjà dans les « derniers vers » de Rimbaud, ou dans certains haïkus (…) et ce dire-là peut faire voir, peut même faire sacrément voir ! Tant le presque rien peut mener au presque tout. »

Le groupe de lecture « L’Œil bistre au comptoir », animé par Marc Le Monnier, vous donne rendez-vous le dimanche 13 décembre 2009 à 17 heures « Aux Tontons flambeurs », 8 rue de la Main d’or, 75011 Paris, métro Ledru-Rollin, pour assister et/ou participer à ces rencontres.

En ce qui me concerne, j’aime beaucoup, j’aime énormément la grande Marguerite ; c’est l’aboutissement d’une relation complexe qui m’a fait l’aimer beaucoup, déjà, au début des années 80, puis m’en éloigner par une sorte d’effet de saturation, pour mieux revenir à elle depuis quelque temps.

Depuis sa disparition en 1996, il nous reste d’elle « ces traces familières, cet univers en perpétuelle déconstruction, cette fragilité de soi que l’imaginaire vient rassurer, cette puissance insensée de l’écriture qui voudrait transfigurer le réel pour en faire une réalité », écrit Catherine Le Ferrand dans le dossier consacré à Marguerite Duras sur le site Avoir à lire.

Comme il est difficile, en fait, de parler de Duras, de cette parole si particulière, qui peut parfois être si exaspérante, et qui souvent tombe si juste qu’elle vous laisse pantelant. Personne comme elle, ou bien peu, n’a su dire/écrire aussi bien le désir, une chose si difficile à cerner, à mettre en mots.


Dès l’origine, chez Duras, absent, surabondant, obsédant, dans la vie comme dans l’œuvre, partout : l’amour. Elle l’a recherché, vécu, célébré, écrit, mis en scène, filmé et même chanté tout au long de son existence. Sous toutes ses formes, jusqu’à ses conséquences et ses limites extrêmes. C’est même ce qui lui a valu ses admirateurs les plus fervents à une époque où, du structuralisme à l’althussérisme, l’idéologie ignorait splendidement les lubies individuelles et où l’on parlait plus volontiers d’amour libre que d’amour absolu et de « libération sexuelle » que de passion sacrificielle.

Il y a, bien sûr, plusieurs formes d’amour : celui qu’on attend et celui qu’on obtient, celui qu’on donne et celui qu’on reçoit, celui qu’on trouve au sein de la cellule familiale et celui qu’on trouve très loin d’elle, l’amour chaste et amour physique, le grand amour ou les amours passagères ; enfin, quand il manque, tout ce qui peut en tenir lieu : formes atténuées (tendresse, compassion, camaraderie, amitié, convivialité), voire substituts (la gloire). Duras, au cours de sa riche existence et dans ses œuvres de papier, de théâtre ou de pellicule, en a connu et représenté toutes les modalités.

Dominique Noguez : Duras, toujours (Actes Sud, 2009) p 45

3 réflexions au sujet de « Marguerite Duras dans la nécessité de l’écriture »

  1. J’arrive chez toi via Valclair. Je n’ai pas la possibilité de tout lire, là tout de suite, mais ce post sur Marguerite, si juste. J’admire beaucoup ses qualités d’écriture, sa façon d’être, son regard sur la vie. Une sorte d’icône passionnante…

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s