Yannis Moralis et la mesure


La peinture doit revenir à son but premier,
l’examen de la vie intérieure des êtres humains.

Pierre Bonnard

Moralis avec sa femme, 1943

Vu à la Pinacothèque nationale d’Athènes la grande exposition (qui dure jusqu’au 29 août 2011) consacrée au peintre grec Yannis Moralis, l’un des plus célèbres du pays, de la génération dite « des années 30 », disparu en 2009 à l’âge de 93 ans. Ce musée avait déjà réalisé une rétrospective de Moralis du vivant du peintre en 1988. La même année, il avait fait une donation à la Pinacothèque de 113 œuvres, peintures, gravures et dessins, qui forment l’essentiel de l’exposition actuelle ; elles sont complétées, pour les dernières décennies par des œuvres provenant de collections privées, l’ensemble permettant de se faire une idée globale de son œuvre.

Evidemment, avec une production qui s’étend sur plus de six décennies, son style a évolué ; de figuratif, il est passé dans les années 1970 à une forme d’abstraction géométrique.

Né en 1916 à Arta, dans le nord-ouest de la Grèce, Yannis Moralis a été admis à l’âge de 15 ans à l’École supérieure des Beaux-arts d’Athènes. Après ces premières études, il se rend en 1936 à Rome puis à Paris où il étudie la peinture murale à l’École des Beaux-Arts et la mosaïque à l’École des Arts et Métiers. Il rentre au pays pendant la deuxième guerre mondiale, où il participera aux combats, avant de s’établir à Athènes.

Yannis Moralis a fondé en 1949 avec les plus grands peintres grecs de l’époque, (Nicos Hatzikyriakos-Ghikas, Yannis Tsarouchis, Nicos Engonopoulos…), le groupe Armos qui devait dès lors dominer le monde pictural du pays, avec notamment une grande exposition collective au début de 1950 au Zappeion. Sa première exposition personnelle date de 1959 à Athènes.

Il s’est fortement impliqué dans les domaines du décor théâtral (pour le Théâtre d’Art de Karolos Koun, puis pour le Théâtre National), du costume et de l’illustration de livres, notamment les œuvres des deux poètes grecs, tous deux prix Nobel, Georges Séféris et Odysséas Elytis.

La Pinacothèque nationale d’Athènes se trouve à côté de l’hôtel Hilton, dont Moralis a réalisé la décoration extérieure de deux façades. Il a également réalisé des compositions pour la station de métro Panepistimiou (Université).

Composition funéraire, vers 1958

La peinture de Moralis m’a frappée par son équilibre et sa mesure. De teintes souvent sombres, voire ternes, ce n’est pas quelqu’un qui vous éblouit par ses couleurs. Qu’Eros, chez lui, tienne par la main Thanatos, c’est évident quand on voit ses tableaux des années 1950 intitulées « compositions funéraires » où des anges impassibles s’apprêtent à couvrir d’un voile les corps nus de femmes abandonnées. J’aime aussi ses portraits des années 1940-50, dans leur simplicité et leur dépouillement ; son autoportrait au béret (1939) avec son teint olivâtre et son visage en lame de couteau ; celui avec sa femme (1943) : il tient un pinceau à la main, il regarde le spectateur ; elle, le regarde, lui… Ou encore cette « Forme » de 1951 : une jeune fille est assise de profil, en robe noire, pieds nus, le bras allongé sur une table ; le fond est bleu foncé.

Autoportrait, 1939

Forme, 1951

Ange, vers 1990

Je préfèrerais n’être rien,
plutôt que de n’être que l’écho des autres.

Yannis Moralis

2 réflexions au sujet de « Yannis Moralis et la mesure »

Laisser un commentaire