Herbes adventices

L’ennui avec ceux qui ont fait les preuves d’un (grand) talent, c’est qu’on est porté à mettre, pour eux, la barre très haut… C’est le cas d’Alain Resnais, immense cinéaste, monument du cinéma français du 20e siècle, etc, etc. Ce dernier dimanche de novembre, pluvieux et morne à souhait, un jour à aller au cinéma, je suis donc allée voir son dernier opus, Les Herbes folles.

Le film est inspiré du roman L’Incident de Christian Gailly, publié aux Editions de Minuit en 1996. Le cinéaste explique ainsi pourquoi il a choisi de changer le titre pour Les Herbes folles : « Cela me semblait correspondre à ces personnages qui suivent des pulsions totalement déraisonnables, comme ces graines qui profitent d’une fente dans l’asphalte en ville ou dans un mur de pierre à la campagne pour pousser là où on ne les attend pas. »[1]

Il y a dans ce film des qualités indéniables de fantaisie et d’inventivité, quelque chose comme du Iosseliani à la française. Le jeu des désirs contrariés se déploie librement. Et il est toujours intéressant de voir un cinéaste (ou un écrivain, ou un peintre) explorer les grands entrepôts de l’imaginaire et suivre le tracé hasardeux de l’irrationnel. Surtout quand le propos s’appuie sur une virtuosité technique incontestable : jeux de couleurs, mouvements de caméra, usage de la voix off en contrepoint, et sur une interprétation impeccable (avec une mention spéciale à Mathieu Amalric en flic juste un peu déjanté). Alors qu’est-ce qui ne va pas ?

Peu de choses, mais cela suffit à faire que ce film ne soit pas un grand Resnais. Un accent un peu trop fort sur des détails superflus. Il n’était pas nécessaire que Sabine Azéma soit coiffée en pétard pour qu’on perçoive son grain de folie ordinaire. Il y a surtout quelques fautes de goût qui étonnent, comme dans les dernières minutes du film cette histoire de braguette qui se veut sans doute drôle mais qui n’est que lourdingue. Alors, si Resnais a bien mérité le prix exceptionnel qui lui a été décerné à Cannes, on dira plutôt que c’est, en effet, pour l’ensemble de son œuvre.


[1] Cité par Allociné.

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