Peut-on encore être ému par la Joconde ? par la Vénus (qui d’ailleurs devrait s’appeler Aphrodite) de Milo? par l’Église d’Auvers ou tout autre tableau de Van Gogh ? J’en doute fort. Il me semble que toutes les images, reproductions, références, produits dérivés, que l’on rencontre de ces œuvres archi-hyper-supra-célèbres viennent inévitablement se mettre en travers de notre perception.
À ma propre surprise, il n’en est pas de même (pour moi du moins) pour l’estampe japonaise la plus connue qui soit, « Sous la vague au large de Kanagawa », la grande vague bleue de Hokusai, revue la semaine dernière au musée Guimet. Je dis revue parce qu’elle avait déjà été visible en 2008, quand le même musée avait donné une autre (et plus grande) exposition Hokusai. Mais l’impression est toujours aussi forte, la puissance qui se dégage de cette image reste intacte.
Et pourtant ce jour-là dieu sait si j’ai râlé, parce que les œuvres ne sont pas regroupées, mais réparties dans plusieurs salles entre d’autres objets, et à cause du niveau de l’éclairage (je sais bien que c’est pour protéger des œuvres fragiles, mais c’est vraiment limite), des cartouches illisibles, etc. Mais une semaine après, je repense toujours à cette grande vague et aux vues du mont Fuji – et aussi, soyons justes, à ce « Dragon dans les nuées »…
J’aime beaucoup ces paroles de Hokusai :
« Depuis l’âge de six ans, j’avais la manie de dessiner les formes des objets. Vers l’âge de cinquante, j’ai publié une infinité de dessins ; mais je suis mécontent de tout ce que j’ai produit avant l’âge de soixante-dix ans. C’est à l’âge de soixante-treize ans que j’ai compris à peu près la forme et la nature vraie des oiseaux, des poissons, des plantes, etc. Par conséquent, à l’âge de quatre-vingts ans, j’aurai fait beaucoup de progrès, j’arriverai au fond des choses ; à cent, je serai décidément parvenu à un état supérieur, indéfinissable, et à l’âge de cent dix, soit un point, soit une ligne, tout sera vivant. Je demande à ceux qui vivront autant que moi de voir si je tiens parole. Écrit, à l’âge de soixante-quinze ans, par moi, autrefois Hokusai, aujourd’hui Gakyo Rojin, le vieillard fou de dessin. » Katsushika Hokusai, Postface aux cent vues du mont Fuji.
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