Week-end pourri. Temps idéal, par contre, pour aller au cinéma. Deux jours, deux films. Samedi à la Cinémathèque pour Jacquot de Nantes, d’Agnès Varda, que je n’avais pas vu en son temps (le film est sorti en 1991). On sait qu’il s’agit de l’hommage rendu par la cinéaste son mari Jacques Demy, mort en 1990 ; film évoquant l’enfance et la jeunesse du réalisateur, et cernant de très près la naissance de sa vocation et sa persévérance à la concrétiser.
Reconstitution très attentive d’une période (grosso modo, de la fin des années 30 à la fin des années 40) où les petits garçons portaient des bérets, des bretelles et des pèlerines – et des « culottes courtes » hiver comme été jusqu’à 13 ou 14 ans. Mais bien sûr, Varda étant Varda, tout cela est chaleureux, lumineux, même les sombres années de guerre, vif et même gai. Et surtout, le film est imprégné dans sa texture même de l’amour pour le disparu, qui apparaît « en vrai » pour quelques brèves séquences. Amour qui se traduit aussi par ces très-très-très gros plans sur le visage ou les mains de l’homme Jacques Demy, qui se transforment en une sorte de paysage.
Dimanche, Hannah Arendt, le film de Margarethe Von Trotta, au Louxor. J’étais curieuse de voir ce cinéma qui a rouvert il y a juste un mois après rénovation complète du site ; j’aime beaucoup son décor de mosaïques à thèmes égyptiens. J’ai trouvé le film passionnant. Ce n’est pas un biopic au sens strict puisqu’il se concentre sur une période précise de la vie de la philosophe, le début des années 60, quand elle se rend en Israël pour y suivre le procès Eichmann, et ce qui s’ensuit à son retour à New York. Il y a juste quelques flashbacks pour évoquer sa jeunesse étudiante et bien sûr ses relations avec Heidegger.
Je suis entièrement d’accord avec la critique de Jean-Michel Frodon parue sur Slate ; l’objet essentiel du film est de défendre et illustrer la liberté de pensée et la liberté d’expression. Arendt, à son retour de Jérusalem, publie son reportage sur le procès dans le New Yorker et elle est vilipendée par la communauté juive des États-Unis, qui lui reproche de ne pas avoir escamoté certaines vérités pas bonnes à dire. Barbara Sukowa, dans le rôle d’Hannah, est magnifique de naturel. Tout le monde aura remarqué (pour finir sur une note plus légère) que le personnage fume sans arrêt, ce n’est pas dans un film américain qu’on verrait ça !
J’avais vu il y a quelques semaines Hannah Arendt et c’est un film qui restera tant sa force est grande.
Pour Jacques Demy le regretté, je pense que « Lola » est vraiment son chef-d’œuvre.
J’ai revu Lola récemment, je l’aime beaucoup, mais j’ai surtout un gros faible pour les Demoiselles de Rochefort.
Bonsoir,
Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ton commentaire. Bien sûr ce film est remarquable, et ce malgré l’académisme dont on l’entache, si ce n’est fort justement qu’il se prête admirablement à l’importance et à la profondeur du sujet traité.
Là où je ne suis pas d’accord c’est sur l’objet essentiel du film. Il ne s’agit pas de la « liberté » d’expression puisque rien, malgré les pressions et les sanctions officieuses, n’a pu l’arrêter, mais plutôt du « courage » d’expression, qui illustre d’ailleurs l’objet essentiel du film lorsque Hannah Arendt « accuse » le peuple juif d’un manque de courage civil lorsqu’il s’est trouvé confronté à cette horreur et plus encore soutient que les coupables de « collaboration » sont des êtres d’une médiocrité choquante, des « humains rendus superflus », ce qu’elle qualifie de « banalité du mal ».
En cette période glaciale de crise dont on ne sait comment on en sortira, cette seconde remarque de Hannah Arendt est fort intéressante. Il est à souhaiter que les leçons du passé servent mieux qu’elles ne l’ont fait jusqu’à maintenant.
C’est juste, c’est bien de son courage qu’il s’agit ! Merci de ton commentaire.