Quel que soit notre âge, nous en avons tous, de ces maisons qui ont existé dans notre vie et que nous avons, pour une raison ou une autre, perdues. Dans un court livre (une grosse centaine de pages), Nathalie Heinich évoque dix maisons qui ont compté pour elle, depuis sa plus tendre enfance. Elles sont prises dans l’ordre chronologique et réparties (la carte de France, à la fin du livre, en fait foi) selon un axe Nord-Ouest/Sud-Est, sauf Montmachoux, près de Montereau, qui fait figure d’exception.
Ce ne sont pas forcément des maisons qu’elle a habitées, mais dans lesquelles elle a séjourné, ou s’est rendue régulièrement : chez les grands-parents, ou des cousins, ou des amis. A part la toute première, boulevard Piot à Marseille, elles sont situées à la campagne. Il y a de ce fait dans le livre quelque chose d’un monde disparu, et Nathalie Heinich en a bien conscience, évoquant ces années 60 de la guerre froide et de l’exode rural. Elles vont de pair avec les personnages que l’on découvre sur des photos « toujours en noir et blanc ivoire avec les bords dentelés ».
Familles, alliances, généalogies, pièces rapportées… La mémoire des maisons perdues suscite des souvenirs de repas, de réunions, de jeux, mais aussi ceux de bienheureuses heures de lecture. Fêtes, rituels, et aussi moments quotidiens, anodins, sans importance, mais qui tout autant façonnent la vie qui viendra. « Les maisons, quand elles sont là, nous paraissent insubmersibles – jusqu’au jour où, d’un coup, elles s’enfoncent dans le néant. » Et ce que nous perdons, avec elles, ce sont des morceaux de nos propres existences : « Les maisons sont aussi de moments de nous-mêmes en lesquels, parfois, nous ne nous reconnaissons plus : leur perte nous fait grandir. »
Celle du Monteillet, dans le Massif Central, pour l’auteur, la plus aimée : elle avoue n’éprouver « d’aucun visage humain, à ce point, la nostalgie ». C’est sans doute pour y avoir connu, comme nulle part ailleurs, le « bonheur absolu » de l’enfance, qui se manifeste par la joie, chaque matin, au réveil, que cet endroit conserve un tel pouvoir émotionnel : « Rien qu’à y penser, en écrivant, le cœur me bat », dit Nathalie Heinich, en écho à François Villon : « En écrivant cette parole, à peu que le cœur ne me fend »…
C’est peut-être parce que son univers m’est familier, de par l’époque où il se situe ; c’est aussi que le livre de Nathalie Heinich est touchant, sans jamais tomber dans la mièvrerie ni la complaisance. A tout moment il sonne juste, avec la mélancolie légère des choses pour toujours disparues et d’autant plus précieuses à notre mémoire.
Nathalie Heinich : Maisons perdues, éd. Thierry Marchaisse, 2013.
Ce livre est présenté dans le cadre de l’opération Masse Critique du site Babelio.
Bon, on va encore dire que je fais du mauvais esprit ou que je ne suis jamais content. Mais si je comprends, évidemment, ce que peuvent représenter les maisons d’une vie, il reste que les extraits que tu cites sont d’une platitude extraordinaire. J’ai rarement lu quelque chose de plus nul. Franchement ?!
Franchement, je ne suis pas de ton avis… moi ce livre m’a touchée, c’est sans doute que je suis bêtement sentimentale, mais j’assume !
Non, non, je ne parle pas de sentiments, je suis très sentimental moi aussi. C’est bien, et sûrement pas bête. Et, comme toi, j’assume.
Mais il importe de savoir dire ses sentiments, si l’on veut faire acte d’écriture. Quand je lis, par exemple : « Rien qu’à y penser, en écrivant, le cœur me bat », je ne peux pas trouver ça extraordinaire, tout de même.
Je n’ai peut-être pas bien choisi mes citations… Cette phrase que tu rappelles n’a rien d’extraordinaire, certes, disons que c’est sa simplicité qui me touche, son évidence. Tout ce à quoi, si cela ne me touchait pas, je trouverais sans doute à redire…