« Sais-tu pourquoi je détaille toutes ces nuances ? C’est parce que je vis dans un monde de rêves et que ce monde est bordé entre deux extrêmes qui en font le trésor le plus précieux de l’existence : d’une part, il est plein d’éclats de nuances, restes provenant de nos sensations, et d’autre part ces éclats, ces détails infimes sont mus, comme dans un kaléidoscope, par nos passions les plus fondamentales et les plus universelles : la peur de la mort, l’amour, le passé, l’avenir, l’envie et le chagrin – tout rêve est une passion archaïque provenant d’une vie archaïque, dans sa nudité primitive, mais constellé (comme les
bardanes qui collent à notre jupe peuvent la consteller) de fragments infinitésimaux (à peine visibles à la loupe) de couleurs, d’odeurs, de saveurs, de proportions et de perspectives. Si je parais devant vous comme la mère de tous les mythes, c’est que je suis aussi la coupe qui, dans l’ellipse automnale de mon âme, contient des rêves, des bribes d’ancestrales destinées et des pollens de perceptions fugitives circulant comme autant de poissons rouges d’un aquarium. »
extrait d’Escorial, de Miklós Szentkuthy, texte français de Georges Kassaï et Robert Sctrick, éd. Phébus, 1993, p. 78
Euh… Ou c’est épouvantablement traduit, ou c’est lourdingue à souhait.
Oh, pardon, Élizabeth…
Je ne sais pas si ou plutôt comment c’est traduit – enfin oui, évidemment, le texte d’origine est hongrois – sauf que le bouquin n’indique pas « traduit du hongrois par X… » mais, comme je l’ai cité, « texte français de X.. et Y… » Le reste du texte est pire ! le problème (si tant est qu’il y en ait un) c’est que j’adore ça. Outrance et extravagance à tous les étages !
Si on ne se laisse pas distraire par la surabondance de superlatifs, on ne peut manquer de les trouver très justes, ces remarques sur la générosité (surabondante elle aussi) des rêves.