Raphaël, divin météore

 

 

Académique, Raphaël ? Jamais de la vie ! Peut-être, sans doute, ceux qui l’ont suivi, copié, imité. Mais pas lui. J’avais oublié – si toutefois je l’ai jamais su – que Raphaël était mort à 37 ans, comme Mozart. Le génie brûle vite. De sorte que lorsque l’exposition proposée par le Louvre porte sur les œuvres des « dernières années » de sa vie, cela coïncide aussi avec celles d’une maturité éclatante.

La Velata (1516), Palais Pitti, Florence. Doc. Wikipedia

La Velata (1516), Palais Pitti, Florence.
Doc. Wikipedia

Autour de chefs-d’œuvre encore jamais présentés en France, une centaine de peintures, de dessins et de tapisseries retracent le parcours artistique du maître et de ses deux principaux élèves, de 1513, début du pontificat de Léon X (qui lui confie alors le chantier de la basilique Saint-Pierre de Rome), à 1524, quand Giulio Romano part pour Mantoue. Car Raphaël n’est pas un artiste maudit ni un génie solitaire. Un atelier de près de cinquante personnes travaille sous sa direction et à ses côtés pour la réalisation des commandes qui lui sont passées – ce qui explique le nombre élevé des œuvres par rapport à la période concernée. Ses collaborateurs de confiance, Giulio Romano et Gian Francesco Penni, poursuivent aussi une activité indépendante dans son atelier. Un bon nombre de leurs œuvres sont également présentes à l’exposition.

Saint Jean Baptiste dans le désert, vers 1517-1518 © 2012 Photo Scala, Florence, via Revue Dada

Saint Jean Baptiste dans le désert,
vers 1517-1518
© 2012 Photo Scala, Florence, via Revue Dada

Cette période du plein épanouissement stylistique de Raphaël constitue le sommet de la Renaissance italienne. L’exposition comprend d’une part des tableaux à thème religieux, notamment quelques-unes des très nombreuses Madones peintes par Raphaël, de l’autre des portraits comme la célèbre Velata, ou encore le portrait de Bindo Altoviti, une sorte degolden boy de l’époque. Une salle entière est consacrée aux tableaux peints par Raphaël et ses élèves sur le thème de saint Jean-Baptiste dans le désert, juxtaposés à celui de Léonard de Vinci (mais mention spéciale au saint Jean-Baptiste de Raphaël en pagne de peau de léopard…) Et j’aimerais beaucoup aller voir les fresques réalisés pour la Loge de Psyché à la villa Farnesina, évoquées par de superbes dessins à la sanguine.

Portrait de Bindo Altoviti, 1512. National Gallery of Art, Washington. Doc. Wikipedia

Portrait de Bindo Altoviti, 1512. National Gallery of Art, Washington.
Doc. Wikipedia

Le maître d’Urbino a toujours attiré les superlatifs, depuis Vasari qui écrivit dans ses Vite : « Quand Raphaël mourut, la peinture disparut avec lui. Quand il ferma les yeux, elle devint aveugle. » Deux siècles plus tard, Delacroix estime que « le nom de Raphaël rappelle à l’esprit tout ce qu’il y a de plus élevé dans la peinture, et cette impression, qui commence par être un préjugé, est confirmée par l’examen chez tous ceux qui ont le sentiment des arts. La sublimité de son talent, jointe aux circonstances particulières dans lesquelles il a vécu, et à cette réunion presque unique des avantages que donnent la nature et la fortune, l’ont mis sur un trône où personne ne l’a remplacé, et que l’admiration des siècles n’a fait qu’élever davantage. C’est une espèce de culte que le respect de la postérité pour ce grand homme, et il est peut-être le seul, parmi les artistes de toutes les époques, je n’en excepte pas les poètes, qui soit comme le représentant ou le dieu lui-même de son art. Son caractère plein de douceur et d’élévation, ses inclinations nobles, qui le firent rechercher par tout ce que son époque avait d’hommes éminents, jusqu’à la beauté de sa figure et à sa passion pour les femmes, ajoutent dans l’imagination à l’attrait de ses ouvrages ; ensuite sa mort prématurée, sujet de regrets éternels et qui fut un malheur public au milieu de l’époque brillante où fleurirent tous les beaux génies de l’Italie.» (Texte paru dans la Revue de Paris, 1830, t. XI, p. 138.)

Saint Michel terrassant le démon, 1518Musée du Louvre, doc. Wikipedia

Saint Michel terrassant le démon, 1518
Musée du Louvre, doc. Wikipedia

L’appréciation d’André Suarès est plus ambiguë : chaque compliment est assorti d’une perfidie… « Mais quel merveilleux jeune homme a été celui-là. D’ailleurs, Rafaël est toujours resté et il est mort jeune homme. Ce privilège efface en lui le caractère de l’académie : l’art académique semble partout une vieillesse. Quelle force en Rafaël, quelle facilité, quelle abondance miraculeuse : jamais puissance ne fut plus naturelle. Cette petite tête si bien faite comprend à peu près tout du premier coup. Il n’invente rien ; il s’approprie presque toutes les découvertes des autres. La profondeur seule lui échappe.»André Suarès, Le Voyage du condottiere.

http://agora.qc.ca/dossiers/Raphael

 

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