Autrefois – mais c’était il y a bien longtemps, dans un royaume près de la mer – je n’aimais que le soir. Le soir annonciateur de la nuit, la nuit qui allait déployer tous les éventails de plumes du possible, éclatants de brillance sur sa noirceur. Ne pas savoir ce qu’elle réservait, dans ses coffres-forts de la Voie Lactée, était aussi une promesse. Les fenêtres ne s’ouvraient que sur des infinis. Le chatoiement de l’inconnu étalait son attraction inéluctable. Je me laissais nonchalamment glisser dans ces rivières de ténèbres.
Cela s’est passé. Je ne sais pas si c’est la beauté que je salue maintenant, mais j’ai découvert la gloire des matins. Le jour se lève, les nuages s’écartent pour laisser apparaître le soleil dans sa présence royale. La journée sera inévitablement ce qu’elle sera et cela recèle une joie infaillible. La splendeur de la gouache a fait place à la sécheresse de la gravure. Épuré, le dessin vient s’insérer à la place qui lui revient. L’approche de la nuit, désormais, n’est plus que la voie d’accès aux forêts les plus lointaines.
Merci pour ce très beau texte à garder, à relire. Que d’images, de sensations, de couleurs, de vie …
Ellise
Merci de cette appréciation, Ellise !
Quelque éloge des frontières de la nuit et du jour; je partage aussi l’affinité: « tous les matins du monde » même, à sentir, entendre, voir, savourer et aussi percevoir, comme glissant à bord d’une « barque silencieuse ».
L’ombre du grand Quignard m’honore ! Merci pour cette appréciation.