En ces temps printaniers où l’on parle beaucoup de Hollande, je rappellerai d’abord qu’il ne faut pas prendre la partie pour le tout, et confondre cette province néerlandaise avec l’ensemble des Pays-Bas, qui en compte douze pour la partie européenne du pays – plus, pour compléter, quelques îles des Caraïbes.
L’Institut Néerlandais, situé à Paris rue de Lille, tout près de l’Assemblée Nationale, propose actuellement (et jusqu’au 27 mai) une exposition qui rassemble une vaste sélection (une bonne centaine de tableaux) de la collection Frits Lugt. (Frits Lugt, historien de l’art et collectionneur, fut à l’origine de la création de l’Institut Néerlandais en 1957).
C’est l’occasion de voir de nombreuses œuvres du Siècle d’or hollandais, noyau de la collection, mais aussi de découvrir des tableaux flamands des XVIe et XVIIe siècles, des paysages ou encore des natures mortes italiennes et françaises. Le XIXe est également représenté, quoique moins largement.

Pieter Saenredam, Le Choeur de l’église Saint-Bavon à Haarlem, vue de la Kerstkapel, 1636 – © Fondation Custodia
Intimités, certes, parce que Frits Lugt a surtout privilégié les portraits, les natures mortes, les représentations d’intérieurs, tous les sujets liés à la vie privée des Hollandais du Siècle d’Or ; peu de peinture religieuse, encore moins de peinture historique. Bien sûr, on y retrouve des noms célèbres comme Brueghel l’Ancien, Pieter Post, Jan Steen, Jacob van Ruisdael, Emmanuel de Witte… mais on y fait aussi des découvertes : comme l’écrit Bénédicte Bonnet Saint-Georges (dans un article de la Tribune de l’Art), « la présence de quelques noms moins connus voire d’artistes anonymes laisse deviner que le collectionneur se laissait séduire par la qualité d’un tableau plus que par la célébrité de son auteur. » Attitude sympathique, qui semble indiquer que Monsieur Lugt s’est fait plaisir et n’a pas acheté de la peinture pour faire de bons investissements (ou du moins pas que).
Pour ma part, je me suis livrée à quelques exercices d’admiration, portant sur
– le très beau Guardi L’Église San Giorgio Maggiore vue de la Giudecca
– les variations du peintre français Jacques Linard : Nature morte aux coquillages et au corail
– le Paysage fluvial avec bétail et paysans de Karel Dujardin, paysage italien avec quelque chose d’oriental,
– la Vue du fort de Bertheaume d’Isabey, dans un format allongé,
– la Jeune Femme aux bas noirs de Georg Henrik Breitner, tableau aux formes presque abstraites (non daté, mais situé vers la fin du 19e ou le début du 20e), qui annoncerait la manière de Nicolas de Staël.
Une chose encore : la Fondation Custodia, également créée par Frits Lugt et dépositaire de sa collection, propose sur son site des vues de tous les tableaux de l’exposition, avec un outil de zoom absolument prodigieux, permettant d’en explorer tous les détails – démarche qui conduit à bien des surprises, comme l’a amplement démontré le regretté Daniel Arasse.