A quoi sert la lumière du soleil,
si on a les yeux fermés
Salvador Dali
Le musée de l’Orangerie propose actuellement, sous le titre L’Espagne entre deux siècles, une tranche très précise et restreinte (1890-1920) de la peinture espagnole. Mais c’est une période critique de crise pour l’Espagne et un tournant dans son évolution. C’est l’époque à laquelle l’Espagne, perdant ses dernières colonies (notamment Cuba), s’aperçoit soudain compte qu’elle n’est plus ce qu’elle avait été. La dernière décennie du 19e siècle connaît alors une activité littéraire débordante dans le pays. Les auteurs de la « génération de 98 » (Generación del 98), comme ils ont été surnommés, étaient déterminés, face à ce déclin, à revitaliser la vie culturelle. Quelques écrivains parmi les plus représentatifs de cette génération ont été le philosophe Miguel de Unamuno (auteur du Sentiment tragique de la vie), l’écrivain galicien Ramón del Valle-Inclán, le poète Antonio Machado, l’essayiste Azorín.
Pour en revenir à la peinture, les trois décennies concernées comptent certes plusieurs artistes géants comme Picasso, Miró et Dalí, mais ils n’arrivent sur la scène (et dans l’expo) que dans les toutes dernières années. Il existe par contre un grand nombre de peintres moins connus, tels que Sorolla, Zuloaga, Solana ou Sunyer, qui contribuent à l’évolution de l’art espagnol au tournant du siècle ; et d’autres encore – dont beaucoup de Catalans – que l’expo de l’Orangerie m’a fait découvrir et qui déploient une créativité originale : Eliseu Meifrén y Roig, Herman Anglada Camarasa (auteur de la Granadina qui figure sur l’affiche), Isidro Nonell, Daniel Vázquez Díaz.
Je ne sais pas si la répartition que propose l’expo, pointant d’un côté « l’Espagne blanche, lumineuse, festive, saine » et de l’autre « l’Espagne noire, sombre, tragique », et reliant chacun des artistes représentés à l’une où l’autre catégorie, est vraiment nécessaire et pertinente. Il me semble que même si ces deux facettes opposées existent, elles existent chez chacun d’entre eux… « Il est significatif qu’un artiste comme Santiago Rusiñol soit présent dans les textes (y compris le dossier de presse) et les sections de l’exposition à la fois dans l’une et l’autre de ces tendances supposées : la double page du catalogue qui juxtapose sa Cour des orangers de 1904, à la clarté tout ‘impressionniste’, et La Glorieta de 1909, avec son crépuscule mystérieux, ses cyprès et ses feuilles mortes symbolistes, est à cet égard éloquente », note Jean-David Jumeau-Lafond dans son excellent article de la Tribune de l’Art.
Le travail de sélection effectué permet néanmoins de se faire une idée du paysage pictural de la période en Espagne et de comparer les peintres qui imitent plus ou moins visiblement Monet, Cézanne ou Matisse, avec ceux qui démontrent une créativité plus personnelle. On est accueilli dans l’expo par le très beau Paysage nocturne d’Eliseu Meifrén y Roig, un clair de lune lumineux, à la fois naturel et inspiré. J’avoue m’être interrogée sur la Pastorale de Sunyer, où une bergère/nymphe allongée dans le plus simple appareil rêvasse parmi ses petits moutons : naïveté délibérée ou non du tableau ? Mais les deux artistes que, personnellement, j’ai découverts à cette occasion sont Isidro Nonell, qui peint des portraits de gitanes dépourvus de tout folklore intempestif, et Daniel Vázquez Díaz dont on peut voir notamment à l’Orangerie El Mar, vision puissante d’une sensualité libre et naturelle.
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Exposition jusqu’au 9 janvier 2012
A voir : de nombreuses images avec l’article précité de la Tribune de l’Art
Source images : Wikipedia sauf Eliseu Meifrèn i Roig, Paisaje nocturno (site Acrobatas).
El Mar : soberbio !
(Rigas: tiens ça fait longtemps que je n’avais pas lu/vu de toi, Portokali. Je vois que tes choix sont toujours aussi fermes et justes. Bonne route et bonne année 2012.)
Merci mille fois ! Plus je regarde le tableau de Vazquez Diaz, plus je le trouve magnifique, régénérant. A toi aussi très bonne année 2012, ευτυχισμένο το Νέο Έτος !
Επίσης ! Καλή χρονιά και καλή συνέχεια στα στα ψηφιακά και τα έμψυχα!