Musicalité de Paul Klee

Il y a de la musique dans le soupir du roseau ;
il y a de la musique dans le bouillonnement du ruisseau ;
il y a de la musique en toutes choses,
si les hommes pouvaient l’entendre.
Lord Byron


Avec Paul Klee Polyphonies, la Cité de la Musique (à la Villette, jusqu’au 15 janvier 2012) présente sa première exposition monographique consacrée à l’œuvre d’un peintre. J’ignorais pour ma part (mais il y a tant de choses que j’ignore) que Klee fût à ce point lié à la musique, la pratiquant toute sa vie comme violoniste de niveau professionnel et en faisant une voie d’exploration des possibilités expressives de la peinture.

Extrait de la présentation : « Ainsi que le relevaient déjà ses contemporains, la musique traverse l’œuvre de Paul Klee à plus d’un titre. Elle se présente comme l’un des modèles possibles pour la peinture, aux côtés de la poésie et des arts de la scène. Né dans une famille de musiciens, Klee se forme dès la première heure à la pratique du violon et l’entretient sa vie durant. Seul, en duo avec son épouse la pianiste Lily Stumpf ou en quatuor, il interprète de préférence les compositeurs de son panthéon privé : Bach, Mozart, Beethoven, Brahms. Une culture musicale exigeante ressort de ses écrits, touchant à la musique instrumentale autant qu’à l’opéra, au répertoire comme aux compositeurs contemporains qui, de Schönberg à Stravinski, de Bartók à Hindemith, font l’histoire de la modernité. De sa prédilection pour l’«Âge d’or » que représentent à ses yeux l’art polyphonique de Bach et l’opéra de Mozart, Paul Klee a tiré un idéal esthétique. Celui-ci forme l’aiguillon d’une recherche incessante, dans la forme, le style, la technique et le sujet de la peinture. Toute la singularité de l’œuvre se révèle dès lors dans la pluralité et l’étendue de ses registres, où figuration et abstraction trouvent une égale légitimité. Inspirée par l’idée de polyphonie, elle aspire à une totalité travaillée, construite, à la fois multiple et organisée. »

L’exposition, qui suit un parcours chronologique, s’avère particulièrement intéressante en ce qui concerne les années de formation de Klee (grosso modo, jusqu’à la veille de la 1e guerre mondiale) et les étapes qui l’ont amené à faire le choix de la peinture comme son activité essentielle, et à partir de la gravure et du dessin, à aborder la couleur en tant que construction polyphonique qui rejoint la musique. Il n’est pas toujours aisé de comprendre cette démarche qui passe par une connaissance approfondie des langages musicaux. Je ne prétendrai donc pas maîtriser complètement le matériau qui nous est proposé par la Cité de la Musique, simplement en tirer des voies un peu différentes pour regarder une peinture dont la richesse ne s’épuise pas.

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Paul Klee : Burg 1, 1923

J’ai toujours été fascinée par ce qu’il convient d’appeler la « convergence des arts » et par les artistes qui avaient la capacité de s’exprimer avec la même aisance dans plusieurs voies. A commencer par une amie de jeunesse formidablement douée pour l’écriture – elle est devenue par la suite un auteur connu de science-fiction – mais aussi pour le dessin ; j’ai rencontré par la suite une femme peintre (comment dire autrement ?) qui m’a raconté avoir hésité entre l’expression picturale et la poésie. Il me semble qu’il y a là une complétude de l’être humain qui ne peut être autrement atteinte.

Paul Klee : EIDOLA : weiland Pianist, 1940

Henri Michaux, lui-même peintre en même temps qu’écrivain, a écrit au sujet du travail de Paul Klee un texte magnifique, L’Aventure des lignes, qui commence ainsi : « Quand je vis la première exposition de tableaux de Paul Klee, j’en revins, je m’en souviens, voûté d’un grand silence. (…) J’accédais au musical, au véritable silence. Grâce aux mouvantes, menues modulations de ses couleurs, qui ne semblaient pas non plus posées mais exhalées au bon endroit, ou naturellement enracinées comme mousses ou moisissures rares, ses ‘natures tranquilles’, aux tons fins de vieilles choses, paraissaient mûries, avoir de l’âge et une lente vie organique, être venues au monde par graduelles émanations. »

Klee, das Licht und die Schaerfen

On peut trouver beaucoup d’éléments d’informations au sujet de Paul Klee sur le site du Zentrum Paul Klee qui se trouve à Berne, notamment au sujet du rôle de la musique dans sa vie.

Images de cette note provenant du site de la Cité de la Musique.

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PS du 19 décembre – Sur cette expo, allez voir les belles notes, et les belles photos, de Dominique Hasselmann ; avec les textes de René Crevel sur Klee.


6 réflexions au sujet de « Musicalité de Paul Klee »

  1. Félicitations, comme toujours, pour ce ravissant article, au sens premier du terme à mes yeux. Humbles excuses aussi d’avoir sans vergogne, cette nuit, pillé la citation de Byron, que j’ai si bien entendue qu’elle me semble mienne. A la lecture de l’article, j’ai gouté le regard de de H. MICHAUX sur l’oeuvre de Klee. Diable! Si cela n’est pas la « confusion des Arts », évoquée en préambule, comme une manière d’embrassade amoureuse, sans retenue.

    Merci pour ces instants lumineux.

    Au plaisir délicat de vous relire.

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