Vous le savez, Redon,
je jalouse vos légendes.
Stéphane Mallarmé
Si vous passez par Montpellier cet été, ne manquez pas l’exposition Odilon Redon qui vient de s’achever ici au Grand Palais et réouvrira là-bas le 7 juillet (au musée Fabre).
Extrait de la présentation par le musée : Contemporain des impressionnistes (il participera en 1886 à la dernière exposition du groupe), Odilon Redon (Bordeaux 1840 – Paris 1916) demeure comme le grand artiste du mystère et du subconscient en une époque qui était surtout éprise de réel et d’objectivité. L’un des principaux acteurs de l’art au tournant des XIXe et XXe siècles, il a joué un rôle essentiel dans la genèse du symbolisme, notamment par ses fusains et ses lithographies (les célèbres Noirs) avant d’être admiré pour ses pastels et ses tableaux par les jeunes peintres de la couleur, Nabis et Fauves. Il sera ensuite considéré comme l’un des précurseurs du surréalisme.
L’exposition des Galeries nationales représente une véritable redécouverte de cet artiste. Quelques grandes monographies lui ont été récemment consacrées à l’étranger (Chicago et Londres, 1994 ; Francfort, 2007), mais cette rétrospective est la première organisée à Paris depuis celle de l’Orangerie en 1956. Elle repose sur l’étude de nombreux documents inédits qui permettent d’éclairer l’œuvre de Redon d’une lumière nouvelle, et notamment sur l’exploitation systématique de son « livre de raison » (Paris, Bibliothèque littéraire Jacques Doucet), dans lequel l’artiste a consigné le titre et la date de ses œuvres. Celui-ci sera présenté dans l’exposition et publié en annexe au catalogue.
Quelque 170 peintures, pastels, fusains et dessins, dont plusieurs inédits, ainsi que, grâce au concours exceptionnel de la Bibliothèque nationale de France, un ensemble très important de l’œuvre gravé et lithographié (environ 100 estampes) composeront un parcours chronologique qui s’attachera à mettre en évidence l’évolution stylistique et thématique de Redon, depuis l’époque angoissée des Noirs jusqu’à la profusion colorée de ses dernières œuvres, selon une progression de l’ombre vers la lumière.
« Quand s’éveillait la vie au fond de la matière obscure » (légende de Redon pour Les Origines)
Les premières séries de lithographies, Dans le rêve ou Les Origines, sont saisissantes avec leurs noirs veloutés et cette manière d’isoler des éléments (une sphère, un œil, une tête coupée) qui flottent dans l’incertain. « Le noir est la couleur la plus essentielle », disait Redon. Puis la couleur, progressivement, se fait une place de plus en plus importante ; mais les bouquets avec leurs vases, eux aussi, flottent dans le vide… Redon fait partie lui aussi des peintres qui me sont chers pour leur usage de la couleur rouge, le rouge le plus éclatant qui soit, chez lui pavots et anémones renversants.
PS une semaine plus tard – A posteriori, je trouve que certains tableaux font penser à ceux de Gustave Moreau.
Odilon (à propos, son vrai prénom était Bertrand) Redon a aussi beaucoup écrit et ses textes ont été publiés dans À soi-même. Confidences d’artiste (Paris, José Corti, 2000). On peut voir aussi en ligne les panneaux réalisés par Redon pour l’abbaye de Fontfroide.
« Voir c’est saisir spontanément les rapports des choses. »
Odilon Redon
Source images :
La Coquille, musée d’Orsay, © service presse RMN-GP / Hervé Lewandowski
Les autres images proviennent de la page Wikimedia Commons
merci de me le remettre en mémoire ce matin
J’ai eu la chance, en effet, de voir cette exposition somptueuse et ses correspondances avec l’oeuvre de Poe, Baudelaire, Huysmans, pour ce qui a trait aux « Noirs » du moins.
Je découvre tout juste ce blog intelligent et informé. J’y reviendrai avec plaisir !
Merci Nathalie, bienvenue dans ce blog !
« Vous le savez, Redon, je jalouse vos légendes. » Bonjour ! si Redon vous rappelle après coup Gustave Moreau, l’addition Mallarmé-Moreau-Redon me rappelle le poème Hérodiade que Mallarmé rêvait de voir représenté sur scène (et dont il paraît qu’il est mort sur les brouillons inachevés sans jamais avoir vu réalisé son rêve). Redon aussi a peint une Salomé fameuse.
J’ai trouvé enfin ! depuis peu une version théâtrale de l’Hérodiade de Mallarmé intégrale mise en ligne. Le metteur en scène s’appelle Louis Latourre mais je ne vois pas le nom des acteurs (plutôt bons).
ici un extrait :
Amusant que l’exposition passe à Montpellier car on sait quelle influence la découverte d’Hérodiade eut sur Paul Valéry alors qu’il habitait la ville.
Epoque fascinante, excellent article !
Merci beaucoup, Serene. Vous signalez des connexions intéressantes !