« C’est le devoir d’un artiste d’être hors pouvoir,
c’est-à-dire seul avec la folie de son œuvre, avec son
entêtement, avec sa prétention douloureuse. »
(Hervé Guibert, Le Mausolée des amants)
Je ne crois pas avoir lu beaucoup de livres d’Hervé Guibert. Je parcours sa bibliographie et cela n’éveille guère de souvenirs de lecture. Sans doute L’Image fantôme, mais il y a si longtemps… Oh, bien sûr, je savais qui c’était. Dans les années 80, je lisais ses articles dans le Monde (à l’époque, je lisais régulièrement le Monde). Je connaissais son travail photographique.
Aujourd’hui, après trente ans de règne du sida, je crois qu’on a du mal à imaginer l’impact qu’avaient alors les premières « icônes » séropositives, artistes et intellectuels : Rock Hudson, Klaus Nomi, Jorge Donn (le splendide danseur de la troupe de Béjart), Freddie Mercury… et, en France, Hervé Guibert.
Aussi, en allant voir cette exposition, la première grande rétrospective qui lui soit consacrée, à la Maison Européenne de la Photographie, ce que j’avais en tête, c’était sans doute obscurément de rendre hommage, en quelque sorte, à quelqu’un disparu trop tôt, l’une de ces comètes qui traversent nos ciels en laissant des traces évanescentes de leur passage.
L’expo de la MEP regroupe environ 200 tirages de photos faisant partie de celles que Guibert avait lui-même mises à part comme une sélection définitive. Elles appartiennent pour la plupart à ses thèmes de prédilection, tels qu’ils sont excellemment définis sur le site consacré à Hervé Guibert par Guillaume Ertaud et Arnaud Genon :
• Autoportrait : l’image de soi à l’épreuve du corps.
• Ombres : le corps écran, jeux de lumières.
• Au bord du cadre : champs/hors-champ, le corps comme passeur.
• Tables : le territoire du corps de l’écrivain.
Le nombre important des autoportraits fait que, au fil des années, on constate les atteintes de plus en plus marquées de la maladie sur le visage (si beau) et surtout le corps du photographe… « Avec cette impression de m’adonner à une occupation malsaine et funèbre, j’étais attentif aux transformations de mon visage comme aux transformations d’un personnage de roman qui s’achemine lentement vers la mort. » (L’Image fantôme)
Nombreuses aussi les images de sa table de travail, feuilles, carnets, crayons, machine à écrire, une insistance qui dit, dans la vie quotidienne, la part du travail, la place de l’écriture.
On lui a probablement souvent fait reproche d’égocentrisme. Il répond : « Ce qu’on dénigre comme narcissisme n’est-il pas le moindre des intérêts qu’on doit se porter, pour accompagner son âme dans ses transformations ? » (L’Image de soi)
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Voir aussi l’article sur le site Fluctuat.
(Images de la MEP.)
Merci d’avoir parlé de cette exposition ; sans toi, je n’aurais pas connu son existence. J’aime beaucoup Hervé Guibert, et Alexander l’aimait beaucoup plus encore. Je me suis permis d’en parler un peu sur mon « Exil ».
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