Il y a un tout petit mois, je revenais juste de Mexico quand s’est déclenché le triste enchaînement de stupidité et de désinvolture qui a abouti au sacrifice de l’Année du Mexique en France sur l’autel d’une solidarité déplacée et d’un fâcheux mélange des genres. Depuis des mois, je me réjouissais à l’idée de toutes les belles choses que cette année du Mexique allait nous permettre de voir et d’entendre. Las, à mesure que les jours passaient, l’espoir s’est éloigné de pouvoir encore sauver les meubles, et aujourd’hui de toutes ces expositions et manifestations il ne reste plus que peau de chagrin. Et chagrin. On ne verra pas de masques de jade mayas à la Pinacothèque de Paris, ni d’objets des cultures de Veracruz à Lyon, ni de tableaux de Diego Rivera à Bordeaux. (Pour d’autres, comme l’exposition Sous le volcan prévue au musée d’Orsay en octobre, l’incertitude demeure). Et devant tant d’autres initiatives qui sont passées à la trappe, avec tout le gâchis que cela entraîne, culturel, humain, économique, je ne décolère pas.
La question n’est pas de savoir si Florence Cassez est ou n’est pas coupable – et il est indéniable que l’appareil judiciaire mexicain présente des failles, comme le montre le documentaire Presunto Culpable qui vient justement de sortir en France. La question est que l’exploitation de ce cas particulier a abouti à un amalgame regrettable dans lequel la culture a été prise en otage et les projets culturels allègrement mis à mort.
La décision aberrante de l’Elysée n’a certes pas fait l’unanimité, ni de ce côté de l’Atlantique, ni de l’autre. « Je ressens de l’indignation devant l’arrogance et le mépris de Sarkozy et de son gouvernement par rapport au système judiciaire mexicain », a déclaré Jean-Marie Gustave Le Clézio au quotidien mexicain Milenio (cité par le Nouvel Obs). L’écrivain mexicain Carlos Fuentes, ancien ambassadeur du Mexique en France, a accusé le président français d’utiliser le cas de Florence Cassez pour augmenter sa popularité et d’agir comme un « dictateur de république bananière ». (source : Le Grand Journal, revue de presse quotidienne francophone au Mexique.) Et de nombreux artistes et intellectuels français et mexicains ont signé la lettre ouverte au gouvernement français à l’initiative du festival Travelling de Rennes.
Sauver ce qui peut l’être encore, c’est tout ce qui nous reste à faire. Certaines manifestations bénéficiant de financements non dépendants de l’Année du Mexique sont maintenues. Il en est ainsi du colloque Paris, Mexico, capitales d’exil, devant se tenir les 7 et 8 mai à la mairie de Paris, à la suite d’un accord avec la ville de Mexico, et dont l’organisateur n’est autre que Philippe Ollé-Laprune, qui œuvre inlassablement depuis des années pour la promotion de la culture française au Mexique et de la culture mexicaine en France. J’espère que nous serons nombreux à y assister. Il semble aussi que la participation mexicaine au festival Quais du Polar, fin mars à Lyon, soit toujours valable. Ceci pour terminer avec une bonne nouvelle.
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