L’exposition qui se tient actuellement au musée du Montparnasse sous le titre « Un nomade à Paris – André Masson » reste de dimension et de propos modeste. Elle s’intéresse aux rapports que l’artiste a entretenus avec Paris tout au long de sa vie, suivant les traces du peintre à travers la ville. Les quelques huiles, dessins, lithographies de Masson sont complétés par de nombreux documents et photographies (notamment de Kertesz et d’un photographe homonyme du peintre, Robert Masson) de son Paris particulier, de la rue Blomet aux abattoirs de La Villette en passant par les Halles.
« Cette exposition, écrit Romaric Gergorin, ne tranchera pas sur l’éminence de Masson mais apporte le mérite de l’approcher de biais en associant son travail sur Paris à une importante collection photographique. Cette manière habile de compenser et masquer un manque de fonds pour réaliser une exposition d’ampleur fonctionne avec profit. En effet ce mélange de photos du vieux Paris et les correspondances qu’elles suscitent avec les tableaux de Masson inspirés de scènes de la ville aère le parcours et permet d’apprécier toute la liberté formelle du peintre dans l’interprétation de certains archétypes parisiens. » C’est sur le tard, la soixantaine venue (il était né en 1896), dans « cette période des années 60 que Masson découvre les prostituées de la rue Saint-Denis, les peignant en une combinaison d’arabesques japonaises flottantes, matinées d’abstraction, ce qui donne à voir les plus beaux tableaux de cette exposition et une véritable révélation d’un pan méconnu de son œuvre. Ses Féminaire de la rue Saint Denis (image ci-dessous), et autres Filles tremblant de froid, ou Filles révèlent un Masson à l’érotisme abstrait qui intrigue et surprend, très imprégné par la simplicité du dessin japonais tout autant que par les hachures de la nouvelle abstraction américaine. »
Les œuvres réunies permettent aussi de se rapprocher de la thématique très massonnienne qui englobe, à travers l’évocation des Halles parisiennes (époque d’avant leur démolition évidemment) et des abattoirs de la Villette (idem), la chair et la viande, les démembrements, les désarticulations des corps. Enfin quelques portraits d’un trait acéré (deux très beaux, une silhouette et une tête, d’Antonin Artaud – un aussi d’André Breton) méritent assurément un détour vers ce lieu devenu incongru dans le Montparnasse d’aujourd’hui.
Source image « féminaire » : Catalogue Drouot