« Dans chaque mot se trouve
un oiseau aux ailes repliées,
qui attend le souffle du lecteur. »
Lévinas
Je m’intéresse depuis longtemps à ce qu’on appelle la « langue des oiseaux » et j’ai été ravie de constater que ce sujet figure sur plusieurs pages et sites Internet avec des éléments passionnants. Pour tenter de résumer l’idée générale, disons que la langue des oiseaux est une pratique secrète qui consiste à donner un sens autre à des mots ou phrases, soit par l’analogie des sonorités, soit par des jeux de mots (verlan, anagrammes, fragments de mots…), soit enfin par la symbolique des lettres, comme dans les hiéroglyphes. Il s’agit d’un langage qui devait rester secret, comme à l’origine l’argot, entre ceux admis à le comprendre.
La page Wikipedia présente un aperçu assez complet de l’extension de ce concept qui remonte à la plus haute Antiquité : origine, fondements historiques (divination, auspices, troubadours au Moyen Age, soufisme, alchimie…) évolution au 19e et 20e siècles (avec Fulcanelli, René Guénon…), rapports avec le Tarot de Marseille et avec la psychanalyse (Jung et évidemment Lacan), niveaux d’interprétation, thèmes.
Un autre site simplement dénommé tout simplement La langue des oiseaux donne des indications sur sa fonction, les méthodes d’interprétation, et des exemples dans la littérature (Cyrano de Bergerac, Swift, Rabelais, Maurice Scève…) ainsi qu’une large biliographie.
Les poètes soufis ont souvent employé la langue des oiseaux, notamment le persan Farîd al-Dîn Attâr ( 1119-1190), auteur du célèbre ouvrage La Conférence des Oiseaux. Ce poème de 4500 distiques raconte une épopée mystique où trente oiseaux sont à la recherche de leur Roi. Ces oiseaux représentent l’humanité cherchant un sens au monde. Le récit commence par un discours de bienvenue de la part de la Huppe, oiseau assimilé à la fonction initiatique et figure du maître soufi. Elle appelle les oiseaux à partir pour un long voyage devant les conduire à la cour de leur Roi où ils rencontreront un oiseau fabuleux, le Simurgh. C’est une parabole de la quête initiatique soufie où certains sont initiés car ils accèdent au sens profond et secret des mots. Jean-Claude Carrière a tiré de La Conférence des Oiseaux une œuvre théâtrale dont la mise en scène de Peter Brook a connu un très grand succès lors du festival d’Avignon de 1979.
On trouvera également en ligne une interview d’Emmanuel-Yves Monin, auteur de Hiéroglyphes Français et Langue des Oiseaux, (éd.Le Point d’Eau, 1982) et le texte intégral de l’essai de Robert-Régor Mougeot, L’Alphabet des Oiseaux.
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Octobre 2012. Depuis la parution de cet article a été publié le livre de Richard Khaitzine, La Langue des Oiseaux, aux éditions Dervy (mai 2011).
images : gravures de Jean-Jacques Audubon
Bonjour Elizabeth,
Puisque vous vous intéressez depuis longtemps à la langue des oiseaux, je vous avise de la sortie en novembre du second tome que je consacre à ce sujet. Ce livre, consacré à Georges Perec est publié chez Dervy en poche. Un troisième volet est en cours de rédaction: Raymond Roussel. De quoi vous surprendre et faire rebondir votre intérêt.
Bien cordialement,
Richard Khaitzine
Merci de cette information… d’autant plus que j’aime beaucoup Perec !
Et vous avez raison Elizabeth, car pour moi la littérature véritable est morte avec lui… ce qui est dommage. Amicalement
Bonsoir Elizabeth, En fait il s’agit de la réédition en poche du livre broché sorti en 1996. La version poche a été réctualisée et comporte deux chapitres supplémentaires.
Pour information, Yves Monin et moi nous connaissons très bien. Yves a eu le mérite d’être le premier à consacrer ouvertement un livre à la langue des oiseaux.
Amicalement
Richard