La puissance magique de Basquiat

« Il s’adonnait, à l’exclusion de rien
d’autre, à la culture de son tourment. »
Mishima

Donc, Basquiat.

Jean-Michel Basquiat, photo de Lizzie Himmel

Quelle chance on a eue à Paris d’avoir cette expo, au Musée d’Art Moderne, une rétrospective composée d’une centaine d’œuvres majeures (peintures, dessins, objets) provenant de musées et de collections particulières aux Etats-Unis et en Europe, permettant de reconstituer le parcours chronologique de l’artiste et de mesurer son importance dans l’histoire de l’art au-delà de sa propre époque. Les vastes espaces du MAM ont pu accueillir des œuvres de grande taille, ce qui lui donne un net avantage par rapport à l’expo tenue en 2003 au musée Maillol (fort intéressante mais limitée par l’exiguïté des lieux).

Jean-Michel Basquiat, disparu prématurément en 1988, n’a jamais été aussi présent. Il a traversé le monde de l’art des années 80 comme une comète, il éclaire aujourd’hui de sa lumière puissante la misère universelle de nos temps actuels.

Dustheads, 1982 - DR

« D’origine portoricaine et haïtienne, né en 1960 à Brooklyn dans l’Etat de New York et mort à New York en 1988 à la suite d’une overdose à l’âge de vingt-sept ans, Basquiat appartient à la génération des graffiteurs qui a brusquement émergé à New York à la fin des années 70. (…) Au cours de sa fulgurante carrière, sa peinture passe de la rue au tableau. Son univers mélange les mythologies sacrées du vaudou et de la Bible, en même temps que la bande dessinée, la publicité et les médias, les héros afro-américains de la musique et de la boxe, et ses racines caribéennes. Il définit ainsi une contre-culture urbaine, underground, violente et anarchique, pétrie de liberté et de vitalité. » (extrait du CP)

De la pratique des graffiti, Basquiat a conservé l’intégration dans ses toiles d’inscriptions, de lettres, de mots souvent récurrents, de signes ou de symboles explicites ou mystérieux, qui entrent en résonance ou en conflit avec les titres donnés aux tableaux.

Fallen Angel, 1981

« Il n’est jamais inutile de se pencher sur cette hybridation entre les différentes sources de culture souvent antagonistes, entre hip hop, peinture néo expressionniste, Pop art et art conceptuel, écrit Fabrice Hergott dans la préface du catalogue. (…) Le foisonnement des références dans ses peintures postérieures fait apparaître une dé-hiérarchisation des sources et rappelle en creux que l’artiste avait la curiosité boulimique de l’autodidacte : co-existent ainsi des citations du Gray’s Anatomy, des carnets de Leonard de Vinci, l’art égyptien, Matisse, Picasso un peu partout, du livre African Rock Art de Burchard Brentjes, mais aussi du jazz des années 1940 à 60, des guides de voyages, des programmes de télévision, de la bande dessinée ou des dessins animés. Le traitement de ses références évoque parallèlement le sampling et le scratching de la musique hip-hop : l’image est morcelée, isolée, répétée, enfouie mais toujours apparente sous les couches de peintures à la manière des palimpsestes. »

Ce qui s’impose à la vue de ces œuvres composites mais possédant une harmonie disparate, c’est la force, la puissance, l’énergie qu’elles dégagent. Elles ont une capacité de présence incroyable. Longtemps après qu’on soit sorti du musée, elles nous habitent encore, elles nous parlent, on reste dans leur envoûtement.

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