Une fois n’est pas coutume : voici un texte de fiction,
provenant de mes archives (juillet 2006)
A présent c’était trop tard. Il n’y avait déjà plus de cymbales, plus de fougères, plus de scarabées ; il n’y en aurait plus jamais. La rivière avait commencé de couler à l’envers, l’eau se dirigeant vers la source pour y rentrer, avec un effort visible, se traduisant par une crispation du front. Les saltimbanques munis de passoires fines comme des gazes chirurgicales tamisaient les nuages mais ne récoltaient rien – ou si peu : quelques grains de poudre, quelques feuilles déjà sèches tombées d’un arbre. Le soleil noir donnait aux cheveux des reflets violacés et mouvants comme les flaques de gas-oil sur l’eau du canal. La seule chose qui existait en abondance c’était le silence, un silence si profond qu’on y plongeait comme au fond d’un gouffre, griffant à peine les parois d’un ongle translucide et désincarné.
Arrivé au sommet de la montagne, j’ai fermé les yeux et j’ai retenu ma respiration, puis je me suis jeté dans le vide et vous voyez, je plane encore, je n’en finis plus de planer, m’appuyant parfois sur les ailes du contraire. Je flotte entre deux airs, entre deux vents, emporté dans la mouvance d’une autre planète. De ma poche je sors un petit caillou pour lester le message que je vous envoie, roulé en boule, ce texte que vous êtes à l’instant même en train de lire, debout sur la terre désertée.
Tiens, ce n’est pas la premiére fois que je lis ces mots, me semble t-il. Mais il est vrai qu’ils sont intemporels.
Si c’est le cas, c’est parce que tu es un très ancien et fidèle lecteur du Sablier, le blog qui avait précédé ces Sédiments… (tiens, si un jour j’en fais un 3e, il faudra que son nom commence aussi par un S !) Quant à mon Apocalypse personnelle, elle est peut-être intemporelle, ou pas, comme dit l’excellent chroniqueur de Mon oeil. En effet, dans ce texte, on se situe à un moment où elle est déjà survenue. Mais il est vrai que tu parlais des mots et non de ce qu’ils décrivent : dont acte.