Au Grand Palais, en ce début de décembre, l’exposition « France 1500 » (un titre bien ingrat…) se trouve éclipsée par la grande rétrospective Monet (qui affiche complet). Elle mérite pourtant largement l’intérêt, avec un grand nombre d’œuvres de premier plan qui viennent éclairer une période charnière pour l’histoire de l’art en France, et mettre en valeur de multiples splendeurs.
Cette manifestation tend à démontrer qu’il ne s’agit pas à cette époque d’une rupture entre un Moyen Age obscur et une Renaissance lumineuse, mais d’un processus continu dans lequel les échanges artistiques avec les pays du Nord (Flandre…) et ceux du Sud (Italie…) étaient déjà très actifs.
« A travers plus de 200 œuvres magistrales et grâce à des études récentes, l’exposition permet donc de brosser un tableau plus juste de ce moment où la France se trouve à la croisée de nombreux chemins, tout en interrogeant les notions de tradition et de mouvement, de continuité et de rupture. Les œuvres des plus grands peintres de la période font l’objet de quelques regroupements exceptionnels, ainsi par exemple des tableaux du Maître de Moulins, alias Jean Hey, le peintre « français » le plus célèbre de cette époque, grâce à des prêts prestigieux de Chicago, Munich, Bruxelles, Autun ou Paris. De remarquables ensembles de sculptures et de vitraux venus de toute la France, des tapisseries prêtées par des collections publiques ou privées d’Europe et des Etats-Unis, de rares pièces d’orfèvrerie complètent ce panorama. L’art du livre, manuscrit ou imprimé, occupe une place majeure dans la production artistique du temps ; il est représenté dans ce panorama par quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre, grâce notamment aux prêts généreux de la Bibliothèque nationale de France qui conserve un fonds d’une richesse unique pour cette période. » (extrait de la présentation du Grand Palais) (Images : Wikipedia)
Comme toujours, je suis essentiellement attirée par la peinture, mais je dois dire que cette fois mon intérêt s’est aussi dirigé vers des statues, tapisseries ou vitraux, sans parler des extraordinaires livres, manuscrits puis incunables, avec leurs enluminures. L’ensemble donne l’impression d’un art extraordinairement abouti, d’une grande finesse d’expression.
Quelques œuvres parmi beaucoup d’autres qui mériteraient d’être citées. Le portrait de Marguerite d’Autriche par Jean Hey (vers 1490) montre une petite fille d’une dizaine d’années et d’aspect fort sévère, les sourcils légèrement froncés et pas l’ombre d’un sourire. J’ai été absolument fascinée par la sainte Madeleine de l’église Saint-Pierre de Montluçon, qui présente (comme sa voisine sainte Suzanne, venant aussi du Bourbonnais) un visage d’un ovale quasi oriental aux yeux en amande. La Vierge de Piété du Maître de Chaource, d’une force et d’une sobriété inouïes. La tapisserie Narcisse à la fontaine (c’est amusant de constater qu’il n’est pas représenté se mirant dans une source, mais dans une fontaine construite). Enfin je citerai deux vitraux, le Triomphe de la Mort de l’église d’Ervy-le-Châtel (Aube) – encore un magnifique memento mori – et celui qui montre saint François d’Assise malade entendant un concert donné par des anges (vitrail de l’église Saint-Merri à Paris). Le saint est allongé sur une sorte de natte qui décrit une courbe occupant les deux tiers de l’espace ; dans la partie haute, deux anges jouent l’un de la harpe, l’autre de ce que je voudrais absolument, pour faire la paix avec Mallarmé, appeler mandore… (hmm, renseignements pris, il semble que je sois tombée juste.)