Éloge de l’oubli

L’oubli, perte du souvenir, selon Littré. Dans Les formes de l’oubli, l’ethnologue Marc Augé commente ainsi cette définition : « elle est moins évidente qu’il n’y paraît ou plus subtile : ce qu’on oublie ce n’est pas la chose même, les événements purs et simples, tels qu’ils se sont déroulés, mais le souvenir. Le souvenir, qu’est-ce à dire?  Toujours si nous suivons Littré, le souvenir, c’est une « impression » : l’impression « qui demeure en la mémoire ». Quant à l’impression, c’est « … l’effet que les objets extérieurs font sur les organes des sens ». (Marc Augé, Les formes de l’oubli, Paris, Manuels Payot, 1998, p. 23)

(source : la très bonne et canadienne Encyclopédie de l’Agora)

Dans son dernier numéro (N° 54 de juin 2010), La Faute à Rousseau, revue de l’Association pour l’Autobiographie, consacre un gros dossier à ce thème transversal, déclinant à travers lectures et écritures ces formes de l’oubli qui nous occupent : oubli quotidien, oubli collectif , amnésie, oubli réparé, oubli créateur… A cette dernière catégorie appartient l’article que j’ai rédigé pour la FAR et qui porte sur le roman d’Aragon, Blanche ou l’oubli. Roman paradoxal puisqu’il fait de l’oubli le ressort principal d’un livre basé sur le rapport à la mémoire, au temps, au souvenir, et dans lequel le mot oubli, l’acte d’oublier, « reviennent avec une fréquence obsessionnelle : oubli redouté, supposé, désiré, évité, évacué, contourné, utilisé, disséqué, dénaturé. »

« Je voudrais décrire l’oubli par tous les mots oubliés. Par les alvéoles qu’ont laissées les mots disparus dans ma bouche. Par l’ombre absente des objets absents. Cette porte qu’on ne peut ni fermer ni ouvrir. Cette fenêtre feinte à la vie ou à la mort suivant ma disposition d’esprit. L’irréparable blessure du temps, la discontinuité de l’âme, ce trou dans la poche, l’oubli. » (Blanche ou l’oubli, éd. Folio, p 152)

« Sans doute parce que l’oubli protège de sa perte. » Bernard Noël, Artaud et Paule, Fusées n°5 p 147

5 réflexions au sujet de « Éloge de l’oubli »

  1. Dans « les Feux de Paris », interprétés de façon magistrale par Jean Ferrat, Aragon parle des oublies :
    « Et l’eau des fontaines Wallace
    Pleure après le marchand d’oublies… »
    Une oublie n’est pas une fiancée délaissée (et ce n’est pas non plus un mot québecquois, je regrette, Alcib), mais une  » pâtisserie à pâte légère avec oeufs sucre ou miel et cuite entre deux fers ».
    Un mot bien oublié, quoi…

  2. Delest, merci du clin d’oeil. Je pensais justement à toi ces jours-ci.

    Je n’aurais pas pensé que l’« oublie » était un mot québécois, même si les Québécois, contrairement à ce qu’affirme leur devise, oublient bien des choses.
    Je ne sais pas (j’ai oublié) à quand remonte mon souvenir, mais je me souviens avoir entendu ici ce mot, il y a bien longtemps. Et je ne sais pourquoi, il me vient des images d’hosties… Peut-être bien qu’autour de moi, il y a un siècle ou plus, certaines personnes appelaient « oublies » les retailles d’hosties…

    Aragon aurait-il été inspiré par le tableau de Watteau, « le Marchand d’oublies » ?

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