Embarquement pour un ailleurs

Hybride. Image du renouveau d’une ville ancienne. Le musée Guggenheim de Bilbao est situé à un endroit très particulier, au bord de la ria du Nervión : la vallée du fleuve envahie par la mer, la parcelle où il est construit touchant par un bout au grand pont de la Salve, qui traverse l’extrémité Est du bâtiment. Il se trouve à la fois posé dans la ville et ouvert vers l’extérieur de la ville, vers ce qui permet d’en sortir. Sa forme évoque également une proue de navire. Nous sommes là pour être propulsés ailleurs.

Son aspect est hybride aussi, entre le rigide et le souple, entre lignes et courbes, entre mat et brillant, entre ce qui monte vers le ciel et ce qui s’étend parallèle à la terre. Le bâtiment est composé d’une série de volumes interconnectés, les uns de forme orthogonale, recouverts de pierre calcaire blanche, les autres de formes irrégulières arrondies, revêtus d’une « peau » métallique en écailles de titane. Ces éléments sont assemblés en combinaison avec des parois interstitielles de verre.

L’objet composite qui en résulte ressemble à une sorte d’animal préhistorique ou fantastique, un dragon ou un grand iguane caparaçonné de plaques métalliques luisantes, allongé au bord de la voie d’eau, et qui se déplacerait avec une lenteur étudiée. Ou bien ce serait un château médiéval passé au prisme de la science-fiction, sorti tout armé d’une profonde crevasse par laquelle, au-dessous du bâtiment, on pourrait descendre vers le centre de la Terre, comme le professeur Lindenbrock et son neveu Axel.

A l’intérieur, on est explosé de lumière et de verticalité souveraine. Le gigantesque, le grandiose, l’immensité des lieux ne se montrent jamais lourds à l’œil et au mouvement de l’humain égaré. Celui-ci est aspiré vers le haut, emporté dans les espaces célestes qui s’infiltrent entre les parois de l’édifice. Le métal et le verre dévoyés en lignes brisées et divergentes induisent des ondulations inattendues. Le vertige saisit le visiteur pétrifié de surprise.

Les mystères parfois insondables de l’art contemporain s’y déploient à leur aise. Matières, pigments, textures, substances… La grande salle semblable à la cale d’un immense cargo abrite l’ensemble des sept sculptures de Richard Serra et dénommées La matière du temps. Enormes formes mettant en œuvre des plaques épaisses d’acier patinable (un acier spécial à résistance améliorée à la corrosion atmosphérique) dont la couleur va évoluer au fil des années. Quand le visiteur reviendra à Bilbao, il aura changé, il sera quelqu’un d’autre. Le temps, lui, aura coulé dans la mer, voisine et lointaine.

image Wikipedia

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