Tout dérive (moi y compris) de ce mot qui m’a été donné en rêve.
Dans ce rêve, j’étais désignée comme « fragmentaire » comme si c’était une fonction, un métier : comme on est secrétaire, ou légataire, ou vacataire. Cela me donnait une grande satisfaction, comme si j’avais trouvé la place juste.
Car ce mot est venu rencontrer une manière d’être que j’éprouve et que le sens du mot va m’aider à élucider. (Ce qui est plus difficile à exprimer, c’est que je l’éprouve d’une manière tout à fait concrète, comme un état physique.) Mon dictionnaire favori, le Trésor de la Langue française, me dit que le suffixe –aire sert à former des adjectifs marquant différents rapports : d’attribution, de possession, d’appartenance, de destination, de cause. Tous ces rapports croisés pointent vers l’approche d’une identité. Il en va de même pour les « aires d’emploi » citées où les adjectifs en –aire sont fréquents : médecine et anatomie, botanique, juridique. Tous domaines où l’on va s’en servir pour désigner, déterminer, identifier.
Mais il y a plus. L’adjectif « fragmentaire » signifie en effet deux rapports exactement symétriques : d’une part, « qui est constitué de fragments » ; de l’autre, « qui constitue un fragment d’un tout ». Il me semble ainsi, en adoptant cette notion, m’inscrire comme une fractale dans un schéma de contenant/contenu. Je suis constituée de fragments juxtaposés, en pleine solution de continuité. Je m’efforce (parfois en vain) de leur construire une cohérence : ils ne s’accordent pas forcément entre eux. Par ailleurs, je suis incontestablement un fragment du grand tout, un être humain au centre (évidemment au centre, où autrement ?!) de l’univers. Ainsi, les deux sens apparemment contradictoires se réconcilient pour former une relation qui les englobe plus largement.
Un de mes -aires préférés: silentiaire (titre porté par des dignitaires de la cour de Byzance).
Ma foi, je vous imagine sans peine revêtue de la dignité de fragmentaire, offrant une cohérence nouvellement construite à de petits morceaux de sédiments.
Merci de ce présent précieux, Tororo : un mot nouveau. Je vais le savourer dans la majesté assumée de mon statut de fragmentaire…