Marlowe le légendaire

Pour avoir revu le film de John Madden Shakespeare in Love (plaisante évocation, parfaite interprétation, beaux costumes…) je me suis mise à penser au rival de Shakespeare, l’autre grand dramaturge élisabéthain, Christopher Marlowe. Ils étaient nés la même année, en 1564, mais alors que le grand Will vécut jusqu’à la cinquantaine, Marlowe fut tué à l’âge de seulement 29 ans. Cette mort tragique et prématurée est pour beaucoup dans la formation d’une véritable ‘légende’ autour de cet écrivain, auquel Aragon fait allusion dans ses Poètes :

Portrait anonyme de Marlowe

Marlowe, il te faut la taverne
Non pour Faust, mais pour y mourir
Entre les tueurs qui te cernent
De leurs poignards et de leurs rires
À la lueur d’une lanterne…

« Comme pour d’autres écrivains de l’époque, on sait peu de chose à propos de Marlowe. Le peu de sources concrètes dont nous disposons aujourd’hui sont consultables dans les registres judiciaires et autres documents officiaux de l’époque. (…) On a souvent décrit Marlowe comme un espion, un bagarreur, un hérétique et un homosexuel, mais aussi comme un magicien, duelliste, priseur de tabac, faussaire. Les sources permettant d’affirmer ces revendications sont très minces, voire inexistantes. Les simples faits de la vie de Marlowe ont d’ailleurs été embellis par de nombreux auteurs, lui faisant prendre la forme d’une sorte de héros des bas-fonds élisabéthains qu’il n’était d’ailleurs peut être pas. Cependant, J.B. Steane[1] remarque qu’il « semble absurde de récuser ces rumeurs et accusations comme faisant purement partie du mythe Marlowe ». (Wikipedia)

Marlowe a néanmoins écrit dans sa courte vie plusieurs pièces majeures, dont le tout premier Faust (La Tragique Histoire du Docteur Faust), première version d’un mythe littéraire qui allait connaître une fortune considérable, et Edouard II, pièce de 1592 basée sur la vie du souverain britannique du 13e siècle. Le titre complet de l’œuvre mérite d’ailleurs d’être mentionné : Edouard II, le Trouble Règne et la Lamentable Mort d’Edouard le Second, Roi d’Angleterre, avec la Chute Tragique de l’Orgueilleux Mortimer.

Première édition connue de la pièce Edouard II, parue en 1594

L’auteur reste proche de l’histoire du règne, pour laquelle il s’est inspiré des Chroniques de Raphael Holinshed, mais sa pièce contracte les vingt ans de règne d’Edouard II, roi d’Angleterre de 1307 à 1327, connu notamment pour son homo- (ou bi-)sexualité, en une courte période qui commence avec le retour d’exil de son amant, le Gascon Piers Gaveston, et se terminant par l’exécution de Mortimer et l’accession au trône du roi Edouard III (légère distorsion de la vérité historique, puisque Edouard II ayant abdiqué meurt en 1327 et que c’est son fils qui fera exécuter Mortimer en 1330) .

Je vous fais grâce des diverses péripéties de la pièce, qui n’a rien à envier à celles de Shakespeare en termes de jeux de pouvoir, de rivalités et de tortueux stratagèmes. Je me souviens d’avoir vu jouer Edouard II, au début des années 1980 (quand je pense qu’il y a près de trente ans, ça me tue…) au théâtre de Gennevilliers dans la mise en scène de Bernard Sobel. Souvenir flou, mais souvenir de violence, d’intensité, de crudité du langage et de grande beauté.


[1] auteur de Marlowe, a critical sudy (Cambridge University Press, 1964)

Images Wikipedia.

Conte du Graal Mortimer[1]


[1] Images Wikipedia.

2 réflexions au sujet de « Marlowe le légendaire »

  1. Je pense avoir vu également cette mise en scène. j’ai souvenir d’une salle toute en longueur, bordée sur les deux longs côtés de gradins, l’action se déroulant au centre. C’était, si je ne m’abuse durant le temps où Ariane Mnouchkine montait les Henry(s) à la Cartoucherie.

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