En juillet dernier, j’avais cherché en vain à obtenir des billets pour les spectacles de la compagnie de danse The Alvin Ailey American Dance Theater, qui avaient lieu au Théâtre du Châtelet dans le cadre des Étés de la Danse.
Aussi ai-je été transportée de joie en voyant qu’une nouvelle chance m’était donnée puisque l’AAADT, qui effectue une tournée mondiale à l’occasion du cinquantième anniversaire de sa création, se trouvait en même temps que moi à Athènes. (Ce n’est pas que j’aie une passion particulière pour la danse, mais le travail de certains chorégraphes, Béjart par exemple, ou Merce Cunningham, m’attire beaucoup.)
La soirée à laquelle j’ai assisté comprenait trois ballets, très différents les uns des autres. Le premier, Festa Barocca, sur divers morceaux de Haendel (chorégraphie de Mauro Bigonzetti), déployait des splendeurs, mêlant étroitement les figures de la danse classique – pour autant que je puisse en juger – à celles de style contemporain. Des costumes éblouissants (robes longues pour les femmes et jupes longues pour les hommes) en satin fluide de couleurs éclatantes.
Le second ballet, Suite Otis, était basé sur une série de chansons d’Otis Redding (chorégraphie de George Faison).

Otis Suite
Et le troisième était le célèbre Revelations qui a fait les premiers grands succès d’Alvin Ailey en 1960 et que l’AAADT n’a jamais cessé de reprendre. Le chorégraphe avait créé ce ballet sur la musique des negro spirituals qui ont bercé son enfance texane. Alvin Aliley a déclaré un jour que l’un des plus précieux trésors culturels des USA était son héritage afro-américain et sa musique « parfois triste, parfois jubilatoire, mais toujours pleine d’espoir ».
Globalement, à voir ces superbes danseurs, on est emporté par la joie visible qu’ils éprouvent à danser, leur exubérance, leur expressivité, et on ne peut qu’admirer ces corps glorieux capables d’exprimer tous les mouvements de l’âme…

Hope Boykin dans Festa Barocca
Quelques données d’informations sur Alvin Ailey et l’AAADT
Né à Rogers au Texas en 1931, seul enfant de parents ouvriers agricoles, Alvin Ailey découvre la danse en assistant, à Los Angeles, à un spectacle des « Ballets Russes de Monte Carlo ». Il a alors douze ans et commence à étudier les claquettes et les « danses primitives ».
Plus tard, étudiant en lettres, il se laisse convaincre par un copain de fréquenter le studio de Lester Horton, pédagogue et chorégraphe à Hollywood : sa compagnie est formée de danseurs de diverses origines, et comprend beaucoup de métis. Alvin Ailey y fait ses débuts de danseur professionnel en 1950 puis en devient le directeur à la mort de Horton en 1953 et y crée ses premières chorégraphies. (…) Se fixant ensuite à New York, il se perfectionne en travaillant avec Martha Graham, Hanya Holm, Doris Humphrey, Katherine Dunham, Anna Sokolow, et apprend la technique classique avec Karel Shook. Encouragé par la chanteuse Lena Horne, Alvin Ailey constitue une troupe de danseurs noirs, avec lesquels il présente, en 1958, son premier spectacle : The Alvin Ailey American Dance Theater est né.
En 1960, la création de Revelations, transposition chorégraphique de negro-spirituals, assure à l’AAADT un succès international. Ce ballet, depuis, est devenu LA signature de la compagnie. Alvin Ailey sera invité à chorégraphier pour d’autres compagnies (dont l’Opéra de Paris) et ouvrira aussi l’AAADT à d’autres chorégraphes : Donald McKayle, John Butler, Luis Falco, Lar Lubovitch, Elisa Monte. Enfin, il se montrera toujours soucieux de rendre la danse accessible à tous, de « casser le mur entre le public et l’artiste », selon ses propres termes.
Maintenant que le chorégraphe a disparu (en 1989), sa compagnie, sous la houlette de Judith Jamison, poursuit son œuvre.
(source : Les étés de la danse)
Festa Barocca sur la musique de Haendel
Lorsque Ailey créa sa propre compagnie, en 1958, il avait acquis une grande réputation à Broadway en tant que danseur, il avait réalisé un grand nombre de chorégraphies et s’était familiarisé avec les styles de danse moderne de Martha Graham, Doris Humphreys et Charles Weidman. Cependant, bien que l’influence de telles étoiles jouât un rôle important, son désir était de combiner l’héritage de la danse moderne américaine avec le caractère unique des formes d’expression culturelle noire. Cinq années après sa création, la compagnie appliqua une politique multi-raciale tout en continuant à mettre en évidence la condition des Noirs. La musique populaire qui avait bercé son enfance, les chants repris par les travailleurs, le gospel ont inspiré la plupart de ses oeuvres les plus fortes. Ses danseurs vont de la danse moderne à la danse classique, en passant par la danse tribale, populaire et disco. Son intérêt pour la condition humaine combiné à un sens inné du théâtre donne à son oeuvre une résonnance dramatique implicite. Aujourd’hui, il n’est plus le seul à faire preuve d’éclectisme, mais Ailey reste celui qui a permis aux artistes noirs de s’exprimer à un moment où ils étaient marginalisés, leur donnant une possibilité de travailler et de développer leur talent, possibilité qui leur aurait été sinon refusée.
L’Alvin Ailey American Dance Theatre a donné des représentations dans le monde entier : son répertoire contient plus de 150 ballets créés par plus de 50 chorégraphes différents. Son influence dans le monde de la Danse est fondamentale, à la fois en tant que dépositaire d’oeuvres importantes du passé et en tant qu’intermédiaire pour les chorégraphes noirs et blancs, renommés ou débutants, qui suivent le courant principal ou se lancent dans des aventures nouvelles.
(source : L’atelier de la danse)
Et d’autres éléments encore sur le site officiel de l’AAADT.
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Origine des images
- Festa Barocca : New York Times
- Hope Boykin dans Festa Barocca : Chicago Stage Review
- Otis Suite : Pix Morning News
- Revelations : blog Mes relations textuelles
J’ai tenté d’aller les admirer en 2006 lors de leur passage à Paris. Je me suis tellement ennuyée, OK ils sont beaux et ils dansent parfaitement bien mais les chorégraphies avaient (mal) vieilli et elles n’exprimaient rien, que je suis partie avant la fin.
Certains spectacles d’amateurs, vraiment contemporains, moins bons mais plus vivants, sont cent fois plus prenants.
(je vais à Chaillot et le regrette rarement)
Je voulais dire : je vais aussi à Chaillot (sinon la phrase mal foutue laisse entendre qu’à Chaillot ce ne sont pas des pros).