Je voudrais revenir sur les raisons qui m’ont poussée, en créant ce nouveau blog il y a quelques semaines mois, à abandonner l’usage d’un pseudonyme pour me présenter désormais ici sous mon vrai nom. Un de mes lecteurs fidèles (Valclair, qui connaît bien le problème des identités multiples…), en commentant ce changement, a parlé d’une démarche d’ « unification du soi » : on ne saurait mieux dire.
Longtemps, alors que je signais de mon nom, sans état d’âme, les articles que j’écrivais à titre professionnel dans la presse industrielle, il m’avait semblé par contre que pour tout ce qui concernait l’écriture de fiction, un pseudo était sinon nécessaire, du moins souhaitable. Il y avait d’une part le désir de séparer les travaux d’écriture effectués par obligation de ceux faits par choix (je n’ose pas dire par plaisir). Il y avait d’autre part le souhait, pas toujours clairement ressenti et encore moins formulé, de devenir quelqu’un d’autre par cet artifice.
Lorsque j’ai commencé à intervenir sur Internet, d’abord sur des sites participatifs, puis avec mon premier blog Sablier, cette tendance a pu s’épanouir dans une véritable prolifération ; je me suis dédoublée à l’infini dans un jeu de miroirs, c’était une sorte de vertige, sans risque réel. C’est facile de se prendre pour Pessoa, dans ces conditions. Bon, je n’avais tout de même pas trop la grosse tête, j’espère. Mais à la longue, je me suis rendu compte de tout ce que cela suscitait de cloisonnement et de dispersion.
Il m’a fallu pour cela beaucoup de temps, de discussions et d’événements, qu’il n’est pas utile d’évoquer ici. A partir de là, l’idée a mûri de regrouper toutes ces identités flottantes en une seule, la véritable, l’unique qui fasse sens. On est qui on est, rien de plus, mais rien de moins.
En travaillant sur le thème de l’onomastique chez Vailland, j’avais trouvé ceci dans un livre qui étudie la question du nom propre, notamment en littérature : « Des rêveries de Proust (…) à celles de Bachelard ou de Renaud Camus, le siècle entier a été traversé par le rôle littéraire du signifiant du nom propre. Le cratylisme prend d’autres aspects chez les mystiques tel Boulgakov, qui s’élève contre les pseudonymes. Pour lui, le vrai nom est indestructible, il conserve sa force latente chez son porteur, qui sait en son tréfonds que c’est le sien et que ce n’est pas un nom dérobé. (…) En fait, il est tout aussi impossible de changer son nom que de changer son sexe, sa race, sa taille, son origine, etc. »[1]
Ce n’est pas qu’on ne change pas, de nom ou d’autre chose, c’est qu’on est toujours une seule personne, celle qui, éventuellement, a changé de nom, de lieu, de métier, de couleur de cheveux et d’yeux, s’est fait raboter le nez ou gonfler les seins, mais dont la seule continuité, justement, est d’être toujours cette personne-là.
[1] Jean-Louis Vaxelaire, Les noms propres, une analyse lexicologique et historique, éd. Honoré Champion, 2005, p 509
— Image tirée d’un blog traitant des OVNI, Area51
C’est amusant pour moi qui devais me tenir coite pendant si longtemps à cause d’un job où je me sentais menacée, mais n’avait pour autant pas pris de pseudo alors que mon prénom est beaucoup trop visible, de voir combien la question d’écrire cachés ou non vous aura pesé.
J’en viens à me demander par ricochet s’il n’y a pas quelque chose du migrant derrière ma calme stabilité patronymique : je change de tout (de lieu, d’entourage, d’environnement, de langue éventuellement …) mais pas de nom.
(Je n’ai même pas voulu en changer en me mariant, c’est dire).
pardon, n’avais.
(jamais je relis AVANT de cliquer … 😦 )
Oui, je suis assez d’accord avec toi, finalement, on revient à la simplicité, à moins d’artifices sans doute…
Mais oui, et comme chacun sait, la simplicité c’est ce qu’il y a de plus complexe à réaliser… 🙂
Pour moi, la recherche de noms, de titres, de rubriques a toujours été un moyen d’orienter, d’entrainer à une complicité ; en fait de se rapprocher plutôt que de se cacher. Le nom, le mien, devient une signature ou une propriété qui éloigne le regard.
Désert occidental
Copieurs & Infidèles
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aRa……………………..amicalement