Le rêve du passage du Nord-Ouest

Il existe des pays, des régions, des endroits qui font travailler l’imaginaire. Ce sont souvent des zones de transition, de rencontre entre des mondes différents. Le passage du Nord-Ouest en fait partie. Même si, à l’origine, son objectif était plutôt matériel : la recherche d’une nouvelle route vers l’Asie qui ouvrirait des débouchés commerciaux.

Le passage du Nord-Ouest est le passage maritime Nord qui relie l’Atlantique au Pacifique en passant entre les îles arctiques du grand Nord Canadien, qui sont séparées les unes des autres et du continent canadien par une série de chenaux plus ou moins profonds : c’est cette zone qui est collectivement appelée passage du Nord-Ouest. Ce passage n’est praticable que pendant le court été arctique car il est pris par les glaces le reste de l’année.

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C’est en 1490 que le navigateur John Cabot (Giovanni Caboto, 1450 – 1498, navigateur et explorateur vénitien au service de l’Angleterre) émit l’hypothèse d’un passage vers l’Orient utilisant cette voie. Durant plusieurs siècles, de nombreux explorateurs vont chercher à localiser ce passage, au prix de naufrages qui permirent de mieux connaître les îles arctiques. C’est le Norvégien Roald Amundsen qui le premier franchit le passage en 1906, au terme d’un périple de trois ans sur le bateau de pêche Gjoa.

Le Gjoa (navire d'Amundsen) à Nome, en Alaska, en 1906, après la traversée du passage du Nord-Ouest

Le Gjoa (navire d'Amundsen) à Nome, en Alaska, en 1906, après la traversée du passage du Nord-Ouest

La réduction de la banquise (très forte sur la période 2006-07) a entraîné en 2007 l’ouverture du passage du Nord-Ouest, ce qui pose des problèmes au Canada pour affirmer sa souveraineté sur ses îles du Nord. En effet, le gouvernement canadien considère ce passage comme situé dans les eaux intérieures du Canada, ce que certains pays comme les États-Unis contestent, voyant ce passage comme un détroit international avec libre circulation. C’est également un important enjeu économique puisque le passage du Nord-Ouest raccourcit de 4 000 km le trajet maritime actuel entre l’Europe et l’Extrême-Orient qui emprunte le canal de Suez.

chateaubriandDans le passé, le thème du passage du Nord-Ouest a suscité plus d’un rêve de voyage, et certains ont été tentés de se lancer. En 1791, c’est avec cette idée en tête (peut-être à l’instigation de Malesherbes, à qui il était apparenté et avec qui il avait préparé son voyage) que Chateaubriand s’embarque pour l’Amérique. (Bien sûr, tout n’est pas conforme à la vérité historique dans le récit qu’il en fait. Il n’est jamais allé en Louisiane, où il situe son roman Les Natchez, et il n’est pas descendu plus bas vers le Sud que Philadelphie et Albany.) Il s’en est expliqué dans la préface d’Atala :

En 1789, je fis part à M. de Malesherbes du dessein que j’avais de passer en Amérique. Mais, désirant en même temps donner un but utile à mon voyage, je formai le dessein de découvrir par terre le passage tant recherché et sur lequel Cook même avait laissé des doutes. Je partis, je vis les solitudes américaines, et je revins avec des plans pour un second voyage, qui devait durer neuf ans. Je me proposais de traverser tout le continent de l’Amérique septentrionale, de remonter ensuite le long des côtes, au nord de la Californie, et de revenir par la baie d’Hudson, en tournant sur le pôle [M. Mackenzie a depuis exécuté unepartie de ce plan. (N.d.A.)] .

Une fois sur place, bien sûr, il n’a plus été question de chercher le passage du Nord-Ouest ; néanmoins Chateaubriand a continué d’y penser, comme en témoigne son Voyage en Amérique :

Devant ce golfe [situé au-dessus du détroit de Behring] gisent, entre le 70e et le 75e degrés de latitude, toutes les découvertes résultantes de trois voyages du capitaine Parry, l’île présumée de Cockburn, les délinéations du détroit du Prince régent, les îles du Prince Léopold, de Bathurst, de Melville, la terre de Banks. Il ne s’agit plus que de trouver entre ces sols disjoints un passage libre à la mer qui baigne la côte nord-ouest de l’Amérique, et qui serait peut-être navigable dans la saison opportune, pour des vaisseaux baleiniers.

M. Macleod a raconté à M. Douglas, aux grandes chutes de la Colombia, qu’il existe un fleuve coulant parallèlement au fleuve Mackenzie, et se jetant dans la mer près le cap de Glace. Au nord de ce cap est une île où des vaisseaux russes viennent faire des échanges avec les naturels du pays. M. Macleod a visité lui-même la mer polaire, et passé, dans l’espace de onze mois, de l’océan Pacifique à la baie d’Hudson. Il déclare que la mer est libre dans la mer polaire après le mois de juillet.

Tel est l’état actuel des choses à l’extérieur de l’Amérique septentrionale, relativement à ce fameux passage que je m’étais mis en tête de chercher, et qui fut la première cause de mon excursion d’outre-mer. Voyons ce qu’ont fait les derniers voyageurs dans l’intérieur de cette même Amérique.

Il existe aujourd’hui une maison d’édition qui porte le nom du passage du Nord-Ouest, et c’est aussi le titre d’un livre de Michel Serres (Hermès V, éd. de Minuit) :

« L’ensemble de ces Hermès, c’est un peu mon encyclopédie de base. On y retrouve l’ambition que j’évoquais tout à l’heure : passer partout, construire un monde où il y a à peu près tout, mathématiques, biologie, philosophie, peinture. Le dernier Hermès porte le titre de Passage du Nord-Ouest, ce passage qui fait communiquer l’océan Atlantique et le Pacifique par l’archipel du Grand Nord canadien. C’est un chemin difficile, encombré, un vrai labyrinthe de terre, d’eau et de glaces. L’image du passage entre les sciences exactes et les sciences humaines. C’est un chemin qui n’est pas donné une fois pour toutes mais qu’il faut construire, découvrir à chaque fois. Le passage du Nord-Ouest est au fond le projet de toute ma vie. » (1980)

sources : Wikipedia, et Bibliothèque et archives du Canada

Carte de l’Agence spatiale européenne

Image du  Gjoa – source : The Canadian Encyclopedia



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