Dans la brume électrique. Je suis peut-être naïve (je suis sans doute naïve), mais si je n’avais pas su que le réalisateur de ce film était le Français Bertrand Tavernier, je l’aurais pris sans hésiter pour l’oeuvre d’un Américain[1]. S’il fallait lui établir une filiation, ou plutôt une fraternité, je le vois – le film, pas nécessairement l’auteur globalement – du côté de Minuit dans le jardin du bien et du mal de Clint Eastwood. Cela pose la barre assez haut, j’espère.
Il y a (au moins) deux points communs dans ces deux films. Le premier, c’est l’atmosphère des Etats du Sud, Géorgie côté Eastwood, Louisiane côté Tavernier, avec la chaleur, la végétation, le souvenir encore présent de la guerre de Sécession. Le second, c’est justement la présence des morts. Saint Augustin dit quelque part (je n’ai pas retrouvé la citation exacte, mais…) que les morts sont invisibles, et non absents. Ici ils sont même visibles, ces morts de l’armée confédérée sudiste, avec à leur tête le général John Bell Hood, personnage historique, que le héros du film rencontre et avec lequel il finit par avoir des entretiens qui l’éclairent sur son propre parcours… Ils surgissent dans le bayou où le policier Dave Robicheaux (le film est basé sur le roman de même titre de James Lee Burke) enquête sur la mort d’une jeune prostituée. La rencontre d’Elrod Sykes, un jeune cinéaste venu réaliser un film dans la région, amènera parallèlement la découverte dans le bayou d’ossements humains vieux d’une trentaine d’années. Les deux enquêtes se rejoindront à la fin, au terme d’un chemin difficile vers la vérité.

Qu'est-il arrivé à ce jeune Noir dans les années 60, c'est ce que l'enquête finira par dévoiler
Dave Robicheaux (Tommy Lee Jones, fabuleux) est un vieux de la vieille, il boit sec et il cogne dur à l’occasion. Mais c’est aussi un flic qui se pose beaucoup de questions sur comment et pourquoi bien faire son travail. Un personnage qui a une épaisseur, une consistance. Chemises hawaïennes et poches sous les yeux. Accessoirement, on voit dans le film quelques traces de l’ouragan Katrina, maisons en ruine, etc. Toute l’interprétation est excellente, et on remarquera dans le rôle d’un vieux bluesman, ancien détenu, Buddy Guy soi-même.
[1] J’apprends par cet article du Monde qu’il existe en fait deux versions du film, l’une destinée à la diffusion aux USA, tirant plus le film vers l’action – évidemment – l’autre pour l’Europe.
Images Allociné