Deux nouveaux musées (au moins) se sont ouverts en Europe en juin 2009.
Le premier (au sens chronologique), c’est le Musée Magritte Museum qui a ouvert ses portes le 2 juin 2009 dans un bâtiment de 2 500 m² appartenant aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique. Situé en plein coeur de Bruxelles, place Royale, ce musée est destiné à offrir au regard du public les créations de l’artiste surréaliste appartenant aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et provenant principalement d’achats ainsi que des legs Irène Scutenaire-Hamoir et Georgette Magritte. De nombreux collectionneurs particuliers et des institutions publiques et privées se sont également joints à ce projet.
Multidisciplinaire, cette collection est la plus riche au monde et comporte plus de 200 oeuvres composées d’huiles sur toile, de gouaches, de dessins, de sculptures et d’objets peints mais aussi d’affiches publicitaires, de partitions de musique, de photos vintage et de films réalisés par Magritte lui-même. Le musée se veut également le centre de référence mondial pour la connaissance de l’artiste grâce à un centre de recherches on-line qui rendra accessibles aux internautes les archives liées à la vie et à l’oeuvre du peintre. (D’après la présentation du site).
Le site du musée comprend notamment une section biographique, des fiches consacrées aux « complices » de Magritte et un dossier sur le surréalisme ; ainsi qu’un aperçu de la collection s’étendant sur les trois étages du bâtiment.
N.B. Cette note avait été publiée ce matin tôt, et c’est un lecteur matinal, Zolurne, que je remercie grandement, qui m’a signalé mon erreur. J’avais en effet confondu le musée dont je parle ci-dessus avec un autre musée Magritte, nouveau lui aussi et ouvert le même jour, et portant presque le même nom, établi dans la maison où le surréaliste belge œuvra pendant près de 24 ans. Je m’en excuse auprès de ceux que j’ai pu induire en erreur…
Extrait de la présentation de cette « maison de Magritte » :
Le musée présente, au rez-de-chaussée, l’appartement que le peintre loua, avec sa femme Georgette, de 1930 à 1954, ainsi qu’une exposition biographique dédiée au peintre.
Il arrive à Magritte d’emprunter ces « objets familiers » à son environnement immédiat et à son cadre de vie. Un examen attentif de la maison du peintre n’est donc pas indifférent.
On s’y laisse surprendre, dans le salon, par une fenêtre à guillotine qui dévoile, dans une série de toiles, les faux-semblants du paysage (voir « La condition humaine« ) ; par la cheminée du même salon, d’où surgit la locomotive en marche dans « La durée poignardée »; par ces portes vitrées qui, prosaïquement transposées par Magritte, nous ouvrent aux mystères de l’horizon dans « Le monde invisible ».
Quant à l’escalier qui meuble, dans « Irène » ou « La lecture défendue », une pièce aveugle et sans issue, il conduit aujourd’hui à bien d’autres objets fétiches produits dans l’exposition permanente. (…)
Ces objets, visibles dans le musée, composent les éléments de base d’une grammaire magrittienne.
* * *
Le second, ouvert le 20 juin, c’est le nouveau musée de l’Acropole, un bâtiment moderne, œuvre de l’architecte franco-suisse Bernard Tschumi, situé au pied du célèbre rocher. Un cadre digne des merveilles qu’il accueille, et que le pays attendait depuis longtemps. Mais cet aspect des choses a largement été éclipsé, dans les media, par la relance du différend au sujet des frises du Parthénon.
Dans une envolée patriotique devant des journalistes étrangers triés sur le volet, Antonis Samaras (NDLR : ministre grec de la Culture) a évoqué « la moitié des sculptures du Parthénon, saisies il y a 207 ans et en exil forcé à 4000 kilomètres d’ici [et] retenues en otage au British Museum ». Le contentieux est ancien, car voilà trente ans qu’Athènes réclame du musée de Londres qu’il restitue quelque 56 marbres de la frise du Parthénon, acquis en 1816 de Lord Elgin, l’ex-ambassadeur du Royaume-Uni à Constantinople. Ce dernier les avait fait arracher du Parthénon, au début du XIXe siècle, avec l’autorisation du chef de l’Empire ottoman, dont l’emprise s’étendait alors sur la Grèce. En 1981, la ministre de la culture du nouveau gouvernement socialiste grec, la chanteuse Melina Mercouri, réclamera leur restitution, une demande réitérée par les gouvernements successifs. (Source : Radio-Canada).
Si je peux avoir un point de vue sur la question, disons que ce qui fait problème, c’est que la frise soit incomplète. Il vaudrait mieux qu’elle soit reconstituée dans son ensemble, et dans ce cas, le musée de l’Acropole serait tout indiqué pour l’accueillir. Ce n’est pas pour moi une question de principe sur la détention des œuvres artistiques du passé, mais de cohérence.
A Athènes, évidemment, le public est plutôt favorable à la restitution. A Londres, les avis sont partagés. Le quotidien britannique The Independent présente les deux opinions avec deux témoignages argumentés (je traduis) :
Question : Les marbres d’Elgin devraient-ils être rendus à la Grèce ?
Oui : Paul Cartledge, professeur de culture grecque à Cambridge
Jusqu’ici, le nouveau musée de l’Acropole d’Athènes n’intéressait que quelques érudits et politiciens. Mais désormais ce sont les premiers d’un flux de visiteurs diversement motivés qui ont eu la chance (et j’étais parmi eux) d’examiner l’intérieur aussi bien que l’extérieur (celui-ci beaucoup plus problématique) de ce nouveau musée.
Il est conçu pour rappeler au monde que le Parthénon – en tant qu’objet comme en tant qu’idée – ne peut être convenablement compris que dans le contexte du puissant rocher sur lequel il est construit, et du grand nombre d’autres artefacts qu’il expose brillamment.
Au plan muséologique, mais aussi spirituel, ceux d’entre nous qui croient que les prétentions à la propriété légitime ne sont pas seulement à côté du sujet, mais délibérément conçues pour le brouiller, et que le véritable objectif humain doit être la réunification de tous les marbres du Parthénon existants (et pas seulement ceux du British Museum), en lien étroit avec le rocher de l’Acropole, ne pourront que se réjouir immensément de l’inauguration qui a eu lieu hier, événement qui constitue un véritable « printemps athénien » (le Pr Cartledge ajoute que le mot grec « printemps » (άνοιξη) signifie également « ouverture »).
Non : Dorothy King, archéologue et auteur de « The Elgin Marbles » (Les marbres d’Elgin)
En 1801, l’Acropole était une forteresse ottomane, ses temples ayant été transformés d’abord en églises chrétiennes, puis en mosquées. Le Parthénon lui-même avait explosé pendant la dernière Croisade, en 1697, les colonnes avaient été mutilées, et la plupart des sculptures qui les ornaient jetées à terre. Les Grecs identifiaient leur « grécité » plutôt par l’appartenance à l’Église orthodoxe que par l’héritage de Périclès – ils négligeaient leurs ruines antiques, quand ils ne débitaient pas les marbres en morceaux pour les brûler dans des fours à chaux. Lord Elgin était venu là seulement pour étudier les sculptures du Parthénon, mais quand il s’est rendu compte qu’il avait l’occasion de les sauver, il a sauté dessus. Si Elgin avait laissé ses marbres sur l’Acropole, un plus grand nombre des sculptures du Parthénon auraient été détruites, comme elles l’étaient décennie après décennie depuis l’indépendance de la Grèce. Si Elgin ne les avait pas rapportées à Londres, elles n’existeraient plus.
Les Grecs modernes se plaisent à revendiquer les sculptures du Parthénon comme part de l’héritage grec. En fait, elles font partie de l’héritage mondial, qui est trop important pour être détenu par qui que ce soit – et les sculptures peuvent actuellement être appréciées dans une demi-douzaine de musées à travers le monde.
Source images :
Tableau Magritte, The World History of Art
Musée Acropole, Info-Grèce et To Vima
Attention, il ne faut pas confondre le « Musée René Magritte », établi dans une maison où il a vécu, avec le nouveau « Musée Magritte » qui est en fait une section des Musées royaux des beaux-arts.
Avec deux noms aussi proches, la confusion n’est pas surprenante.
http://www.magrittemuseum.be/code/fr/index1.htm
http://www.musee-magritte-museum.be/Portail/Site/Typo3.asp?lang=FR&id=languagedetect
sur le musée Magritte, je compte bien y aller !
> Zolurne : merci de l’info ! effectivement, je suis tombée dans le piège. Je vais de ce pas voir le site de l’autre musée Magritte, et éventuellement modifier la note.
> Wictoria : bonne idée ! On organise une expédition pour Bruxelles ?
j’aimerais bien, il faut que ce voeu ne soit pas qu’une chimère