Une visite à Matisse en son Cateau

Comment suis-je passée si longtemps à côté de Matisse sans le voir, je ne sais pas trop. Je me suis laissée piéger par sa fausse simplicité, je le trouvais trop évident. J’avais peut-être des excuses… Comme le dit Bernard Noël : « Tout comme la réalité, la peinture de Matisse se dérobe dans sa parfaite visibilité. » (Matisse, éd. Fernand Hazan) Pourquoi en va-t-il ainsi ? « Matisse simplifie parce qu’il tire le visible vers ce qui, à travers lui, fait signe. » Mais de fait, « la ‘spontanéité’ de Matisse est la forme la plus discrète de la maîtrise. »

Matisse : Autoportrait, 1918 (image : History of Art, http://www.all-art.org/

Matisse : Autoportrait, 1918

Il m’a fallu cette visite au très beau musée Matisse du Cateau-Cambrésis, sa ville natale, pour que je me rende compte de ce que j’avais jusqu’ici manqué. Installé dans des bâtiments anciens (le palais Fénelon, ancienne résidence des archevêques de Cambrai), mais conçu avec les notions actuelles de la muséographie[1], ce musée associe avec bonheur une riche collection permanente et une exposition temporaire stimulante. Actuellement, cette dernière a pour titre Ils ont regardé Matisse et met en relation des oeuvres du peintre français avec celles d’artistes abstraits de l’après-guerre aux Etats-Unis et en Europe.

À partir de prêts exceptionnels provenant de collections publiques et privées, l’exposition montre l’assimilation du travail de Matisse par les abstraits américains, et comment en retour, à partir des années 60, cette assimilation entre en résonance avec les recherches des artistes européens et américains.

Scandé par quinze oeuvres emblématiques de Matisse, le parcours de l’exposition est composé d’une cinquantaine d’oeuvres de Jackson Pollock, Mark Rothko, Barnett Newman, Raymond Hains, Jacques Villeglé, Simon Hantaï, Ellsworth Kelly, Sam Francis, Morris Louis, Frank Stella, Claude Viallat, François Rouan, Richard Tuttle, Daniel Buren et Blinky Palermo.

museematisse_ilsontregarde-sL’exposition s’ouvre d’ailleurs sur la « Porte-fenêtre à Collioure » de Matisse (1914) qui est un tableau quasi-abstrait où l’espace de la fenêtre – permettant l’échange entre l’espace pictural et celui, concret, du spectateur – s’ouvre sur un panneau central tout noir.

« Le choix de la couleur pure oriente Matisse vers lui-même, dit encore Bernard Noël. (…) Matisse parle souvent de la couleur, mais au nom du senti et pas d’une vérité théorique ou historique. Il dit par exemple : « Les couleurs ont en elles-mêmes, indépendamment des objets qu’elles servent à exprimer, une action importante sur le sentiment de celui qui les regarde. »

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On peut voir également dans ce même musée une série d’oeuvres d’Auguste Herbin, comprenant notamment un vitrail très bien placé et mis en valeur, et une section consacrée à la donation effectuée en  2007 par Alice Tériade, la veuve du critique, éditeur d’art et collectionneur (d’origine grecque). Cette donation porte sur le contenu de la Villa Natacha, maison que le couple possédait à St-Jean-Cap-Ferrat. Elle comprend notamment la salle à manger de la villa, reconstituée à l’identique avec un vitrail et un mur de céramique dessinés par Matisse ; ainsi que des sculptures de Miró, Giacometti et Laurens, et de nombreux tableaux parmi lesquels quatre toiles de Léger, quinze huiles sur papier de Rouault, un Picasso (Tête de femme couronnée de fleurs, 1969), un Chagall (Amoureux au bouquet, 1949), un Matisse (Jeune Femme à la pelisse, fond rouge, 1944) et un portrait de Tériade par Giacometti (1960). Elle comprend également des photographies, en particulier d’Henri Cartier-Bresson montrant Tériade ou Matisse dans le jardin de la villa.

Matisse : La Maison bleue, 1906

Matisse : La Maison bleue, 1906

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Pour en revenir simplement (simplement !) à Matisse, il me semble que ce qui le caractérise le plus, c’est le plaisir que l’on a à regarder ses tableaux ; c’est une joie paisible devant la beauté. J’ai beaucoup aimé les œuvres de sa période fauve, et aussi les portraits de ses petits-enfants dessinés vers 1950 au plafond de sa chambre (à l’aide d’un fusain attaché à une canne à pêche)…

Images : site History of Art et musée Matisse


[1] Le palais Fénelon, ancien palais des archevêques de Cambrai, dont le bâtiment actuel date de 1770-1772 (après Fénelon) est dédié à la donation de Matisse, enrichie par les apports de la famille Matisse et par des acquisitions.
Le musée a totalement été rénové en 2002 par les architectes Emmanuelle et Laurent Beaudoin, qui ont conservé l’ancienne école bâtie devant et ont relié les deux bâtiments par une construction moderne.

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