La liberté avant tout

prison_sante« Ne me libérez pas, je m’en charge… » Ce titre ironique, légèrement provocateur, est celui d’un documentaire étonnant consacré à un personnage qui ne l’est pas moins, Michel Vaujour. Ancien braqueur fiché au grand banditisme, Michel Vaujour a toujours préféré l’aventure à la soumission, la liberté à la loi. La prison, selon sa définition, c’est « un lieu d’où l’on s’évade ». En l’espace de 30 ans, il aura passé 27 ans en prison – dont 17 en cellule d’isolement – et sera parvenu à s’en échapper à cinq reprises, avant d’obtenir une libération conditionnelle en 2003. (On se souvient de son évasion spectaculaire de la prison de la Santé en 1986, à bord d’un hélicoptère piloté par sa femme Nadine.) Un parcours qui l’a confronté à un incroyable face-à-face avec lui-même et l’élaboration d’une véritable philosophie en action. C’est à ce voyage initiatique que nous convie ce film de Fabienne Godet.

Auteur d’un livre autobiographique, Ma plus belle évasion, paru en 2005 (je me suis précipitée pour le commander), Michel Vaujour avait jusqu’à présent toujours refusé de participer à un documentaire. La cinéaste dit avoir réussi à le convaincre notamment en lui parlant de son expérience de psychosociologue et du travail qu’elle a effectué auprès des soignants à l’accompagnement des mourants. Elle qui a souhaité « comprendre sans juger » le parcours de Michel Vaujour s’interroge : « D’où lui vient sa capacité à trouver de la vie au coeur d’un processus de destruction ? Le film s’ouvre et se referme par une célébration de la vie, et de la beauté de ce qui nous est offert. (…) Comment se fait-il qu’il ne soit pas devenu fou, qu’il n’ait pas été broyé ? C’est ce mystère de la résilience que j’essaie de percer. »

vaujour-190530721Il en résulte un film concentré, centré sur Michel Vaujour qui est pratiquement toujours présent à l’image, même lorsque certains de ses proches sont interrogés, et à qui la parole est longuement donnée. Une parole qu’il maîtrise admirablement. Pas de fioritures, pas de mots inutiles, chaque terme est précis, chaque phrase chargée de sens. Ce n’est certes pas par hasard : les années d’isolement, « ça vous sculpte », comme le dit Vaujour avec son sourire en coin. Seule « respiration » du film, quelques très beaux plans de routes et de paysages nocturnes sous la pluie, dans sa région d’origine, la Marne.

Il ne s’agit pas de faire de l’angélisme et de tracer l’histoire d’une réhabilitation que l’on présenterait comme exemplaire. Ce dont il s’agit, c’est de montrer la reconquête par un homme de sa liberté, intérieure d’abord, être libre dans sa tête, puis la liberté tout court, Vaujour expliquant comment il a tout fait pour obtenir la libération conditionnelle. Reconquête de son destin, quand l’origine, le milieu familial, les enchaînements de circonstances l’avaient conduit dans une impasse, situation qui aurait pu se terminer par une issue fatale (pendant une de ses « cavales », Vaujour a pris une balle dans la tête au cours d’un hold-up et il a failli y rester ; il a AUSSI cette expérience de l’extrême).

Alors bien sûr, le personnage peut agacer, notamment par son orgueil (« J’ai jamais plié devant personne »), par son côté excessif, mais pour ma part, je vois en lui un être humain d’une grande sincérité et dont l’intégrité force l’admiration.

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Eléments bio et citations de Fabienne Godet provenant du site Allociné.

Source image prison Santé

Complément : Observatoire International des Prisons (OIP)

2 réflexions au sujet de « La liberté avant tout »

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